On entend souvent aujourd'hui que le rock est mort, qu'il n'y a plus de grands groupes ou de grands artistes solo qui émergent et nous font vibrer à chaque disque publié. On peut le penser mais c'est aussi faire peu de cas des grands anciens qui continuent à façonner leur œuvre, après avoir pondu déjà, pourtant, de nombreuses merveilles. Jeff Tweedy, le leader de Wilco, combo bientôt trentenaire, est de ceux-là. Et avec le dernier album de son groupe, Cruel country, sorti en version physique durant ce début d'année 2023, il vient d'en apporter la plus éclatante démonstration. Un double album qui aurait pu être simple et dont la qualité nous amène à nous demander si l'on ne tient pas là un digne compagnon des chefs-d'œuvre Summerteeth (1999), Yankee Hotel Foxtrot (2002) ou A ghost is born (2004). Tout simplement.
On pourrait se lancer dans une analyse chanson par chanson de Cruel country - certains morceaux touchent droit au cœur, comme les sublimes The Universe ou Many worlds - mais ce qui frappe avant tout, c'est l'homogénéité de ce disque. Pas une chanson en deçà d'une autre, pas une note en trop. Une fluidité et une richesse d'ensemble qui font d'ailleurs rappeler à quel point le format de l'album reste incomparable. La production est superbe, dans la lignée des plus grands Wilco cités plus haut. On retrouve, aussi et entre autres, la passion lennonienne de Jeff Tweedy dans Story to tell. Une chanson emblématique de ces mélodies, miraculeuses, qui jaillissent sans qu'on sache trop comment de la tête et du cœur de mister Tweedy. Si, dans les années 1990 et 2000, ce dernier avait droit à une concurrence de haut standing rien qu'au pays de l'oncle Sam (Elliott Smith, Mark Linkous, Stephen Malkmus), on voit mal aujourd'hui qui réussit à arriver à sa cheville*.
Ci-dessous, le récent passage de Tweedy and co dans le Late Night de Seth Meyers.
Alors, oui, l'intéressé n'est pas adepte des grands bouleversements musicaux - on imagine que le virage électro-synthétique emprunté ces dernières années par plusieurs grands noms du rock indie, très peu pour lui - et creuse toujours son sillon rock-folk-pop-country, sans se retourner ou regarder autour de lui. Aucune importance. La beauté et la fraîcheur de ses chansons se suffisent à elles-mêmes et renforcent notre dépendance. Et on se prend à rêver que dans 10 à 15 ans encore, on continue à s'injecter de nouveaux fix de Wilco et de son maître.
NB : On n'est pas bégueule, on vous renvoie vers Ashes of american flags, indépassable titre de l'extraordinaire Yankee Hotel Foxtrot. Pas la peine de dire merci, c'est la maison qui offre.
*On nous souffle dans l'oreillette le nom de Jason Lytle, de Grandaddy. Proposition tout à fait recevable mais depuis 2017 et le décès du bassiste et co-fondateur Kevin Garcia, la continuité du mythique groupe californien reste logiquement incertaine.
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