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lundi 2 décembre 2024

Top 10 Albums 2024


Sans plus attendre, voici les 10 albums que j'ai le plus écoutés/appréciés cette année, dans l'ordre de préférence, mais sans prendre totalement au sérieux cet ordre... C'est l'exercice.


1 / Vampire Weekend - Only God Was Above Us 

US / Indie-pop, indie-rock (Columbia)

Numéro 1 clair et net pour moi cette année. 15 ans après leurs débuts le trio new-yorkais emmené par le génial songwriter Ezra Koenig prouve avec ce cinquième LP qu'ils sont bien un des grands groupes de ce début de siècle outre-Atlantique : d'abord assimilés à une jangle-pop de fils à papa agréable mais un peu scolaire (influence Columbia université et Paul Simon) les gendres idéaux de la Big Apple - depuis exilés à LA - n'ont cessé de progresser et d'évoluer depuis et reviennent, 5 ans après un Father of the Bride intéressant mais un peu long et brouillon par moments, avec une petite perle : Only God Was Above Us. C'est tour à tour beau, audacieux, rétro et avant-gardiste, ça rassemble et mélange quantité d'inspirations et ça ne sert de grandir écoute après écoute... Ezra Koenig est un orfèvre, et il sera à l'Adidas Arena le 14 décembre (rendez-vous pris).

Plus de détails dans la longue chronique publiée en avril

Titres favoris : "Mary Boone", "Capricorn", "Gen-X Cops"

 

2 / Ducks Ltd. - Harm's Way

Canada / Indie-pop, jangle-pop (Carpark Records)

L'album le plus court du lot, ce qui n'est peut-être pas pour rien dans cette jolie place : en 27 minutes le duo indie-pop de Toronto s'offre le luxe de ne rien forcer, et d'ainsi savamment polir et re-polir ses 9 morceaux à coup de petits riffs saillants et de délicieuses mélodies vocales. Rien n'excède ou presque les trois minutes ici et tant mieux : les compos de Ducks Ltd. ne sont pas faites pour durer mais pour briller éphémèrement le temps de quelques notes puis s'effacer d'un coup ou presque, n'en gardant qu'un léger sentiment... Une brillance surtout apparente dans la face A, à première vue, rassemblant leurs plus tranchants singles ("Hollowed Out", "Train Full of Gasoline"), mais qu'on apprend aussi à déceler dans la jolie face B au fil des écoutes. "A Girl's Running" et "Heavy Bag" font notamment mouche, en guise de final : "down, down, down..." chantonne alors Tom McGreevy imaginant des inconnus un peu éméchés et déprimés dans un train de banlieue en route pour on ne sait où et l'on resterait bien dans ce train pourtant, avec nos amis canadiens... Que l'on a eus le plaisir d'apercevoir à Paris en mai d'ailleurs, lors du festival Block Party. C'était court et fulgurant, étonnamment.

Plus de détails dans la chronique publiée en février

Titres favoris : "Hollowed Out", "Train Full of Gasoline", "A Girl's Running"


3 / Fontaines D.C. - Romance  

Irlande / Post-punk, indie-rock (XL Recordings)

Difficile de ne pas classer très haut un album s'ouvrant sur un diptyque aussi fracassant que "Romance" / "Starbuster" (chanson de l'année ?) - respectivement joué en première et dernière position de leur méga gig au Zénith le mois dernier (cf. plus bas). Pour le reste, Romance est le genre d'album qu'on écoute 4 ou 5 fois en quelques jours, juste pour être sûr de bien comprendre si le tout est décevant ou génial. Toujours pas totalement fixé de mon côté, notamment parce que l'irruption du synthé dans l'univers Fontaines Décé m'apparait tantôt enthousiasmante ("In The Modern World", "Sundowner") tantôt plus palote et pas complètement aboutie ("Desire", "Motorcycle Boy")... mais on ne leur reproche pas l'innovation dans ce domaine, au contraire. Fontaines D.C. fait partie de ces groupes qui avancent et c'est bien, d'autant que leur succès fulgurant leur autoriserait désormais toutes les postures, y compris stationnaire. Retour aux valeurs sûres en conclusion tout de même : "Favourite", une ballade pop parfaite suivant le titre le plus classiquement post-punk de tous ("Death Kink"). Bien joué.

A lire aussi : recap de leur concert événément au Zénith de Paris

Titres favoris : "Starbuster", "Bug", "Favourite"


4 / Fazerdaze - Soft Power

Nouvelle-Zélande / Dream-pop, shoegaze, électro-pop (section1)

Révélée en 2017 avec son super single "Lucky Girl" et un joli album planant la même année (Morningside, du nom d'un quartier d'Auckland) la néo-zélandaise Amelia Murray (de son vrai nom) a mis ensuite près de 5 années à ré-émerger, la faute à une longue période de difficultés psychologiques sur laquelle elle lève aujourd'hui le voile (relation toxique, pression du second album). Maintenant trentenaire et installée à Christchurch (seconde ville de Nouvelle-Zélande, plus calme), Fazerdaze a brisé le moule de sa dream-pop un peu adolescente, très éthérée, et s'affirme depuis 2022 (l'EP Break!, déjà réjouissant) avec des compositions plus remuantes et carrées, plus dérangeantes aussi, parfois secondées par des beats électroniques tout à fait modernes et rétro à la fois. Tout est fait dans son propre studio à présent, où elle a peaufiné cet album empli de reverb' et de petits effets synthé en tout genre, sachant toutefois alterner le plus expérimental et noisy (les excellents "Bigger", tendance shoegaze, et "Distorded Dreams", tendance électro) avec des moments plus méditatifs ("Dancing Years", "A Thousand Years"). Avant de conclure sur un duo de ballades plus classiquement dream-pop, dont le très vaporeux "City Glitter", dernier au-revoir à un homme qui lui a pris trop d'années semble-t-il. Il est heureux qu'elle s'en soit détachée, et revenue à la musique.

A lire aussi : recap de son live à Paris en 2023 (Pop Up du Label)

Titre préférés : "Soft Power", "Bigger", "Cherry Pie" 


5 / 22°Halo - Lily of the Valley


US / Indie-rock, indie-folk (Tiny Library Records)

Prime à la brièveté encore (29 minutes), et à la nouveauté... 2024 n'aura pas forcément été une immense année de découvertes pour moi au rayon albums mais heureusement cette petite merveille est arrivé in extremis en novembre, mentionné par l'excellent podcast US Indiecast (autre recommandation). "Inspiré" par la révélation du cancer de son épouse, Will Kennedy (auteur-compositeur unique derrière le projet 22° Halo) signe ce LP tout en délicatesse et petites touches folk, rock et pop successives, léché, soigné et solitaire comme un disque de Bon Iver première période tout en instillant ici et là de petits riffs électriques plus chauds à laNeil Young, parfaits pour les veillées d'hiver... Une recette très nord-américaine, où la nature et ses petites manifestations quotidiennes sont très présentes (le bruit d'un oiseau à l'aube, les fleurs au printemps...). Accompagné par sa femme (Kate Schneider, cancer survivor heureusement) sur deux des titres dont le magnifique "Bird Sanctuary" en intro, il donne en outre par sa voix tout en retrait, alternant étonnamment le grave (rassurant) et l'un peu chancelant (émouvant), une couleur sonore très particulière à ce disque qui mérite d'être découvert et redécouvert d'ici la fin de l'année. Mention aussi pour l'entêtant "Noise Machine" (piste 3), qui ne dure guère plus de deux minutes mais touche direct au cœur. "It's a good day when nothing happens..." chantonne faiblement Will Kennedy à la fin et en effet, cela suffit parfois.

Titres favoris : "Bird Sanctuary", "Noise Machine", "Ivy", "Lily of the Valley"

 

6 / Porridge Radio - Clouds In The Sky They Will Always Be There For Me

 

Angleterre / Post-punk, indie-rock (Secretly Canadian)

Pas mal de similarités avec l'album de Fazerdaze d'un point de vue strictement biographique... Produit d'une relation toxique de Dana Margolin (leadeuse du groupe) ayant tourné à la grosse déprime, voire plus, cet album a tout du classicisme noir et blanc de sa pochette : brut et mélancolique, possédé et désespéré, il tourne légèrement le dos aux quelques envolées plus pop de son excellent prédécesseur (Waterslide, Diving Board, Ladder To The Sky, 2022). Peu d'instants ludiques ici : Clouds est d'emblée, avec le lancinant puis ravageur "Anybody", un univers clos où Dana Margolin nous conte son enfermement dans un amour débordant et très mal équilibré, alternant naturellement les fracas de guitare cathartiques et les ballades très mélancoliques, limite neurasthéniques (cf. le très aérien "In A Dream I'm Painting"). Le tout monte haut (cf. les favoris plus bas, tous entêtants) puis redescend tout aussi bas, dans une sorte de bipolarité tonale et thématique... Amour, haine et aliénation. Blues et punk. Il y a au final peu de gras là-dedans et c'est bien l'idée, que rien ne respire à l'air libre trop longtemps. Dana M crie, un peu, chuchote, un peu aussi, et rien ne semble pouvoir la sortir de cette boucle malsaine comme dans le coupé en deux "Sleeptalker" où elle chantonne d'abord avec quelques "pam pam padam" puis monte dans les tours et s'exclame sans trop y croire (?) "I'm lucky to know you, to you know, to know you..." - motif de répétition assez typique dans ses compos, et toujours édifiant. On est là avec elle tout du long, la tête dans les nuages noirs mais pris dans le cycle. La libération semble intervenir avec l'épique "Sick Of The Blues", conclusion de ce disque, mais le doute persiste... Effet garanti.

Titres favoris : "Anybody", "God Of Everything Else", "Sick Of The Blues"

A lire aussi : le recap de leur gros live au Trabendo il y a peu

 

7 / Royel Otis - Pratts & Pain

Australie / Indie-pop (Ourness)

On reste en Océanie avec les nouveaux rois de l'indie-pop, auteur d'un live déjà légendaire au Trianon en novembre... C'est peu dire que les deux potes de Sydney ont frappé fort dès leurs premiers EPs avec des hits aussi parfaits et délicieux que "Sofa King" ou "Kool Aid", ce dernier méritant déjà une place dans n'importe quel top des années 2020. Pas de suspense pour ce premier LP donc, tirant son nom du bar attenant au studio dans lequel Royel et Otis allaient quelque fois faire le point entre deux enregistrements, voire écrire des lyrics... On aurait aimé y être. La première face de ce LP de "Adored" à "Velvet" est quasi intouchable : six titres et six hits ou presque, avec à chaque fois des refrains et des riffs qui vous donnent envie de vous lever de votre chaise de bureau et de jeter vos feuilles A4 imprimées pour rien en l'air, la tête allant gaiement de gauche à droite au rythme de la petite voix aiguë si aguicheuse d'Otis Pavlovic, un homme déjà culte. La face B nous offre autre chose : plus variée, plus psyché, plus lente aussi, moins immédiate peut-être. La musique est toujours de qualité mais plus difficile à distinguer de 15 autres groupes d'indie-pop ou rock du moment... L'unique raison pour laquelle cet album figure si bas en définitive : impression qu'on nous a vendu un EP génial accompagné de six faces B honnêtes. Mais peut-être manque-t-on simplement de goût et éclectisme ? Cf. le dernier titre, "Big Ciggie", plus intriguant entre psyché et garage et qui en réjouira peut-être certains. A réévaluer dans quelques années.

Titres favoris : "Fried Rice", "Heading for the Door", "Foam"

A lire aussi : le recap de leur live déjà mythique au Trianon

 

8 / Camera Obscura - Look to the East, Look to the West

Écosse / Indie-pop (Merge Records)

Un disque qu'on n'attendait pas forcément, puisque le dernier Camera Obscura datait de plus de 10 ans maintenant (Desire Lines, 2013), le groupe semblant hélas s'être mis en pause prolongée après le décès de sa clavériste Carey Lander en 2015 (cancer aussi...). Reformation inattendue donc, et heureuse : sans être le disque de l'année Look to the East, Look to the West a de quoi ravir les inconditionnels de Tracyanne Campbell (chant) et éternels étudiants en littérature fans d'indie-pop écossaise et galloise (Belle and Sebastian aussi, au hasard). La pop délicate de Camera Obscura n'a pas changé : sage et subtile, toujours mélodieuse, remplie d'influences country et de petits riffs stridents évoquant plus les rives du Mississipi que les briques rouges de Glasgow, s'aventurant même au passage dans d'autres paysages encore plus exotiques ("Baby Huey" et son drôle de petit beat electro-bossa, encore plus adorable en version démo). La charmante voix de Tracyanne Campbell non plus : avec ses airs d'éternelle amoureuse éconduite elle sublime les quelques ballades à sa disposition dans ce LP, dont le très doux "Sugar Almond" ou le joli single "We're Going to Make It in a Man's World" avec sa parfaite petite rengaine finale et ses "ouh ouh..." en chœur si caractéristiques. Il manque sans doute un vrai petit hit comme "French Navy" ou "Lloyd, I'm Ready..." à l'ensemble mais après 10 ans de silence on accepte bien volontiers l'offrande.

Titres favoris : "We're Going to Make It...", "Liberty Print", "Baby Huey"

A lire aussi : le recap de leur concert à la Maroquinerie en septembre

 

9 / The Vaccines - Pick-Up Full of Pink Carnations

Angleterre / Indie-pop (Thirty Tigers)

Une autre bonne surprise ! Les anciennes sensations UK de l'année 2011 (What Did You Expect From the Vaccines, petit carton de l'époque) n'avaient pas disparus eux mais il semblait que la qualité de leurs LPs était destinée à s’affadir un peu plus album après album... On n'avait quasiment pas touché à leurs dernières livraisons pour tout dire. De plus en plus bruyant, mainstream, sans idées. Cycle inversé apparemment : sans rien révolutionner (ce n'est pas le concept des Vaccins, beaux gosses des beaux quartiers londoniens avant tout passionnés par le rock des 60's) Justin Young et ses acolytes reviennent ici à la racine carrée de leur succès - mélodies pop accrocheuses et entêtantes sans avoir à se casser la tête, refrains fulgurants et marrants, petite voix criarde et euphorisante dudit Justin Young... C'est simple et fun, à l'image du premier titre "Sometimes, I Swear", bombinette pop à silence soudain puis refrain fracassant qu'on s'est envoyée un bon paquet de fois au premier semestre. Court aussi, le plus souvent, comme le simplissime "Love To Walk Away" (2:07 minutes) qui est lui aussi tout à fait dans l'esprit Vaccines 2011. Et Justin Young au chant, tout simplement ! On l'aime bien ce type avec ses envolées dans les aiguës et ses airs de jeune vieux (cf. ci-dessous sur sa vocation de crooner raté). Welcome back guys.

Titres favoris : "Sometimes, I Swear", "Heartbreak Kid", "Love To Walk Away"

A lire aussi : leur épatant et très rétro live à la Cigale en octobre

Et la chronique complète du disque publiée en février, déjà

 

10 / Erlend Oye & La Comitiva

Norvège, Italie / Indie-folk (Bubbles Records)

Premier LP d'Erlend Oye (moitié des Kings of Convenience, et génie musical à lui seul) avec ses acolytes siciliens de La Comitiva, cet album éponyme n'est pas exactement une surprise, ni une totale nouveauté : une bonne moitié des titres présents ici étaient déjà sortis au fil de l'eau ces dernières années, au gré des envies et du calendrier chargé du bon géant norvégien installé à Syracuse depuis plus de 10 ans maintenant - et qui continue sa carrière en parallèle avec les Kings, témoin leur splendide Peace or Love sorti en 2022. L'objet fonctionne donc davantage comme une compilation des années italiennes d'Erlend Oye, ce qui n'est pas vilain en soi : les non initiés amateurs de folk nordique joyeuse découvriront ainsi les très jolis "Matrimonio di Ruggiero" et "Upside Down", le second aussi remuant que le premier se fait lancinant, mais tous deux agrémentés de moult cordes et vents en mode fanfare de première année de L3... Car Erlend Oye est un homme profondément bon, et qui aime s'entourer d'amis de toutes sortes, musiciens si possible. Un homme orchestre. A noter aussi le très bel instrumental "Altiplano" qui gagne la palme de la mélancolie estivale, et la plus belle pièce du tout à mon avis : "For the Time Being", une adaptation folk entêtante d'un morceau électro enregistré il y a exactement 20 ans avec un DJ allemand (Phonique), en pleine période berlinoise d'Erlend... Les années ont passé, et l'acoustique remplacé les beats, mais le voyage musical est toujours en cours. Prochaine étape ?

Titres favoris : "Upside Down","For the Time Being", "Altiplano"

A lire aussi : le recap de son magnifique live au Cabaret Sauvage

 

Bonus / Yannis & The Yaw - Lagos Paris London

Angleterre, Nigéria / Indie-pop, afrobeat (Transgressive Records)

Un EP en bonus pour finir : Yannis & The Yaw, c'est le projet né de la rencontre musical entre Yannis Philippakis (frontman des Londoniens de Foals) et la légende de la batterie et de l'afrobeat Tony Allen, en 2016 à Paris. Après une première session d'impro puis d'autres la rencontre finit par faire émerger quelques idées de chansons, mais pas au point d'aboutir à un disque en bonne et due forme hélas (agendas respectifs, Covid... puis mort de Tony Allen en 2020). Des années après Yannis F a décidé de s'y remettre tout de même, et livre cet album composé à partir des fragments laissés en route, mélange de rock et d'afrobeat donc, tendant davantage vers l'un ou l'autre selon les titres (finalement assez proche de Foals pour le puissant "Rain Can't Reach Us", nettement plus afro-friendly pour "Under The Strikes"). Les musiciens recrutés pour l'occasion entre Londres et Lagos - et vus à Paris à l'Alhambra en septembre - sont excellents et donnent au tout une note très organique, et clairement plus aventureuse que l'album rock typique il faut bien l'avouer. Point d'orgue : "Clementine", ultime titre et vrai délice sonore avec son avalanche de petits riffs stridents jaillissant de partout gaiement et sans effort apparent... Et la voix de Yannis F au milieu de ça, captivante comme jamais. Affaire à suivre.

Titres favoris : "Clementine", "Rain Can't Reach Us"


Mention honorable aussi pour...

- Chime School - The Boy Who Ran the Paisley Hotel (sunny jangle-pop from LA)

 - Real Estate - Daniel (indie-pop léchée made in Brooklyn)

- Cléa Vincent - Ad Vitam Aeternamour (synth-pop maline made in Paris)

- Dog Park - Festina Lente (dream-pop française, premier LP)

- EggS - Crafted Achievement (un des meilleurs groupes d'indie-rock français)

- Hoorsees - Big (un autre excellent groupe rock français, Strokes-friendly)

- Bored At Grandmas House - Show & Tell (dream -pop classique et mélodique)

- IST IST - Dreams Aren't Enough (post-punk classique aussi, Manchester)

- DIIV - Frog In Boiling Water (shoegaze américaine, leaders du genre)

- The KVB - Tremors (synth-pop très dark, groupe UK mais basé à Berlin)

- The Softies - The Bed I Made (indie-pop mignonne comme leur nom l'indique)

 

Désolé pour les autres et à l'année prochaine !

dimanche 7 avril 2024

Vampire Weekend - Only God Was Above Us


Album sorti le 5 avril 2024 (Columbia) - 10 titres, 47 minutes

Tout Only God Was Above Us, le cinquième album de la bande à Ezra Koenig, poète parmi les poètes et orfèvre musical parmi les orfèvres, se résume au fond assez bien dans "Capricorn", premier single du lot et troisième piste de ce disque parfois déroutant, jamais décourageant.

2 minutes d’indie-pop savante d’abord : Ezra Koenig s’installe à la guitare sèche, la basse et la batterie suivent sobrement, puis le piano, et le rythme s’installe doucement mais avec l’onctuosité jangle-pop propre à l’ancien quatuor de New York, maintenant trio relocalisé à Los Angeles (Rostam Batmanglij a quitté le groupe en 2016). Un peu de réverb dans la voix, juste une once, pour marquer la tonalité aérienne et hors sol de cette jolie ode à un ami fictif soudain un peu largué et comme sans but dans sa vie, et se sentant en somme « trop jeune pour mourir, trop vieux pour être seul ». C’est beau, c’est un peu triste mais aussi plein d’empathie, de compassion, et c’est ce à quoi Ezra Koenig nous a toujours plus ou moins habitué : de belles compositions pop claires et savantes, des récits de vie et d’époque pas toujours remplis d’espoir mais toujours faits avec science et sincérité.

Une jolie ballade sur le chaos comme on en trouve  quasiment à chaque début de disque d’ailleurs : c’était "Harmony Hall" dans le dernier, c’était le superbe "Unbelievers" dans le splendide Modern Vampires of the City en 2013, ou encore "Horchata" dans le second opus. Recette connue, éprouvée, testée. On aime.

Et puis au bout de 2 minutes la recette se grippe soudain. Arrivée d’une guitare ultra-dissonnante, crispante, sonoriquement proche d’un métro qui se cabrerait tout à coup sur les rails faisant crisser ses pneus comme des damnés. Koenig chante toujours mais comme perdu dans un dédale de bruits industriels clairement plus new-wave que nouvelle pop. Exit l’indie-pop de 2007 donc (premier album, Vampire Weekend) et les influences "world" et afropop empruntés entre autres au Paul Simon de Graceland (dixit Koenig lui-même), entrée des années 90 new-yorkaises un peu plus crades et underground et fruits d’un mélange impur (dixit Koenig là encore) entre le Wu-Tang-Clan et Rage Against the Machine, soit entre beats hip-hop ultra-classiques et un indie rock nettement plus inquiétant, rempli d’éclats dissonants et de micro-agressions – on peut penser à Sonic Youth aussi évidemment, autre référence très new-yorkaise. Un grand fourre-tout de styles divers et variés, mais tous rattachés in fine à la cité d’origine de Koenig, matrice absolue de son œuvre.

Autre titre, autre illustration de cette tendance : "Mary Boone" (une référence à New York encore, voir plus bas), la sublime huitième piste de cet album relativement court (47 minutes) mais fleuve plus que fécond. Ici tout nous est offert à la fois : piano pop, voix autotunée à la Kanye, retours d’afro-pop période 2007 à la "Oxford Coma", chœurs féminins quasi religieux, beat de hip-hop… Un titre qui se suffit à lui-même et qui risque de vous accompagner longtemps. Mary Boone, Mary Boone… Frissons.

L’irruption de la rythmique hip-hop dans Vampire Weekend n’est pas une nouveauté absolue : "Step" (2013) était déjà notoirement construit sur un sample de "Step to My Girl" (Souls of Mischief, 1998), et Ezra Koenig avait encore bien joué du sample et (déjà) de l’autotune dans le précédent opus avec des titres comme "Flower Moon" ou "2021" - et même encore au-delà d'emprunts jazzy, aussi présents ici. Pour l’aspect rock bruitiste c’est un peu moins évident, même si on retrouve déjà quelques petites traces de dissonance, plus subtiles certes, dans le très beau "Ya Hey" (2013 toujours) – déjà une réflexion sur la solitude de l’homme face au divin qui a foutu le camp.

Mais tout cela est décuplé ici. Car au-delà de l’ambition de rassembler les styles et croiser les influences – un unique parti-pris formel qui pourrait assez vite lasser – il flotte dans cet album puzzle comme une ambition un peu plus trouble : celle de délibérément saboter, ou du moins défigurer, au sens noble, toute tentative de composition pop trop simple, trop claire, trop belle. En écho aux thèmes de l’album (le monde moderne est un amas aléatoire de colères renfermées et d’incompréhensions, la nostalgie d'un passé révolu est là un peu partout pour combler les vides mais ne mène à rien à part au ressassement et à la stagnation sans fin et la culpabilité domine chacun de nous quoi qu'on veuille, une culpabilité toujours collective mais à porter individuellement in fine, seul dans son coin, et la communication qui pourrait conjurer le tout bien sûr impossible alors il faut apprendre à laisser couler, un peu laisser couler…) Koenig et ses deux compères instillent donc le chaos dans leur recette ordinaire, par échos et synthés interposés.

C’est particulièrement clair dans un titre comme "Connect", récit d’un homme visiblement paralysé par ses souvenirs et incapable d’avancer plus loin – « now is it strange i can’t connect? » fait-il semblant de se demander – et où après quelques notes de piano toutes légères d’entrée le refrain est soudain noyé dans des effets de synthé rendant la voix de Koenig presque grotesque, comme déformée par un voyage de quelques années-lumière dans l’espace et dans le temps. « I know once it’s lost, it’s never found... » avoue-t-il finalement. Échec et mat.

C’est aussi entendable, et de façon un peu plus entrainante, dans "Gen-X Cops", deuxième single de l’album, où le fracas électrique (léger) des synthés et des guitares vient masquer une composition semblant absolument limpide sous ces quelques couches, et qui dans sa version primaire (démo) était sans doute la comptine pop la plus douce et simple possible sur cette Terre. Mais ce n’est pas, ou plus, l’ambition de Vampire Weekend alors que la barre des 40 ans approchent… Dire des belles choses, oui. Avec de jolies mélodies aussi, oui, en partie. Mais cela ne peut plus se résumer à cela, pas seulement. Il faut montrer tout le tableau, et il n’est pas seulement beau.

Et comme une preuve de ce soudain besoin de sérieux, ou du moins de réalisme, cette dernière piste de presque 8 minutes ("Hope") où Koenig entremêle l’énumération de toutes les catastrophes sur Terre et ce court refrain revenant inlassablement toutes les trente secondes ou presque, lancinant : « I hope you let it go, i hope you let it go… Your enemy’s invicible, i hope you let it go… ». Une déclaration de paix un peu vaine, évidemment, prononcée de cette éternelle voix menue mais claire de post-adoloscent qu’il n’est pourtant plus depuis quelque temps… Paix pour lui, pour ses amis, et pour les autres, les inconnus, et aussi pour la ville de New York qu’il a quitté mais ne cesse de réexplorer dans tous ses textes. Une ville florissante puis donnée morte dans les années 80, laissée à l’abandon et rouillée, criblée de dette, de crime et de pauvreté, saturée de bruits inconnus comme ce disque puis revenue à la vie, en partie. 


Paix aussi pour Mary Boone, ancienne papesse de l’art contemporain, ex icône de New-York, symbole d’une époque et désormais idole déchue (évasion fiscale), mais qui a droit au pardon tout de même. Un pardon laïque mais faisant comme si Dieu était encore là pour le donner, comme au temps où il régnait là, « Au-dessus de Nous ». Un thème (Dieu, le divin, la transcendance) constant dans l’œuvre d’Ezra Koenig, lui le petit descendant d’émigrés juifs roumains typiquement new-yorkais d’un côté (cf. cette référence à la Transylvanie dès le premier titre) et artiste athée laïque tout aussi typiquement new-yorkais de l’autre, tension intérieure qu’il ne cesse de tisser et retisser dans ses textes, sans vraie solution...

Car comme il le disait récemment dans Libération « Nous barbotons tous le cul dans l’océan. Notre vie consiste à nous prendre des vagues dans la gueule, plus ou moins fortes, à intervalles plus ou moins réguliers. Certains apprennent à les surfer. Je ne dis pas que j’en fais partie. »

Face à cela le pardon donc, pour soi et les autres, et la chanson peut-être. Car que subsiste-il quand tout s’est effondré, de Dieu aux vieux bâtiments publics croulants de New York ? Un type avec une guitare qui vous sourit, et vous dit qu’il y a de l’espoir et qu’il faut juste un peu laisser aller, laisser aller… Vous ne le croyez pas vraiment mais il joue bien et après tout qu’importe, vous n’êtes attendu nulle part. Autant l’écouter encore un peu.

Tout cela pour dire que cet album de Vampire Weekend n’est peut-être pas le plus accessible de tous, mais pas le moins intéressant non plus. Ezra Koenig mène sa barque, et il le fait à grâce et fracas, conjugués désormais.

Alléluia. 

 

lundi 12 février 2024

Disque : Ducks Ltd - Harm's Way

Ducks Ltd - Harms' Way (Carpark Records)

27 minutes, c'est la durée totale du deuxième LP des deux amis canadiens de Ducks Ltd, et cela suffit.

Faire une chronique sur un album de ces deux garçons, cela représente presque une antithèse : comme Tom McGreevy et Evan Lewis (un Britannique et un Australien de naissance, tous deux naturalisés Canadiens) s'attèlent uniquement à écrire quelques bonnes chansons de jangle pop à la "C86" qui dépassent rarement les 3 minutes, et à les enregistrer, il faudrait respecter cette ambition minimale et ne pas s'appesantir. Tout ne s'explique pas.

27 minutes donc. 9 titres, dont 3 singles réjouissants placés naturellement en première partie, parmi lesquels "Hollowed Out" et "Train Full of Gasoline", deux compositions pop absolument parfaites. La seconde partie s'écarte un peu plus des normes indie-pop britanniques des eighties, très légèrement, puis se conclut sur une petite ballade assez poignante ("Heavy Bag"), élégamment construite en deux temps. Voilà.

Mais tout de même, bon, il faudrait pouvoir en dire un peu plus... Trahissons. Ce qu'il y a de beau chez les Canadiens de Ducks Ltd, me semble-t-il, c'est cette façon qu'ils ont de raconter des choses assez grises et déprimantes sous des tonalités pop ultra-rapides et vivifiantes. Thèse, antithèse. "Hollowed Out", par exemple, cette petite chanson toute sautillante, c'est une histoire de vide intérieur qui vous paralyse tandis que vous déambulez au hasard dans une grande ville bétonnée, délabrée et au bord de l'écroulement - l'époque tout entière. "Train Full of Gasoline", inspiré d'une catastrophe ferroviaire ayant fait 47 morts, c'est l'accident majeur qui nous guette en acceptant trop facilement certaines petites faiblesses personnelles ou erreurs... Boum. "Heavy Bag", cette jolie petite ballade, l'histoire de deux amis qui se saoulent dans un train de banlieue puis se séparent un peu tristes.

Le monde pour résumer - ou la vie, comme vous voulez - est une chose extrêmement angoissante et Tom et Evan entendent le conjurer par quelques riffs de guitare ultra-rapides et de belles harmonies. C'est leur droit. Est-ce que cela marchera ? Sans doute pas mais qu'est-ce qui marche de toute façon ? Rien.

Alors il faut écouter Harm's Way, et peut-être le ré-écouter encore. Tout va de pire de pire comme le chante Tom et "all of it it's getting harder and harder to explain..." et c'est bien comme ça, quelque part. 

Terminus du train.

Pour aller un peu plus loin : une explication chanson par chanson par le groupe lui-même, donné dans une interview à Stereogum.



samedi 10 février 2024

Disque : The Vaccines - Pick-Up Full of Pink Carnations

 

Qu’est-ce qui fait qu’on finit par oublier un groupe ou le garde au chaud toute sa vie comme sa petite chose à soi ? Je n’ai pas de réponse convaincante à cette question. En 2011 les Vaccines étaient d’énièmes jeunes premiers du rock anglais : What do you expect from the Vaccines s’écoutait d’une traite comme une petite sucrerie punk-pop et il n’avait pas grand-chose à raconter sur cet album à part que c’était rock et diablement immédiat. "Norgaard" durait 1 minute et 38 secondes et ça suffisait amplement. "She's seventeen, so she's probably not ready, A, M, A, N, D, A", la la la... Ces gars-là savaient y faire.

Et puis quoi ? Le processus de délitement classique des jeunes premiers : un second album avec toujours un peu de niaque mais sans le mérite de l’originalité, forcément… Il n'y a jamais de second premier. Et un troisième, un quatrième, et cetera. Quelques tubes nonobstant. "I Always Knew" (2012) était encore apte à électriser les foules pop-rock, un peu gueulard et pourtant émotif comme toutes les bonnes chansons des quatre beaux gosses londoniens, "Handsome" (2015) aussi. Quasiment pas écouté leur quatrième LP en revanche (2018), et franchement pas compris le sens du cinquième (2021). Plus de doute possible : les Vaccins étaient devenus des ringards.

Un groupe sans idées. Sans aspérités. Pas d’influence psyché, shoegaze, new wave, post-punk ou je ne sais quoi chez ces gars-là… Pas d’évolution, pas de mouvement. Sinon vers le bas. Une machine à produire des petits hits rock BCBG version vaguement canaille pour meubler séries Netflix et publicités pour blue jeans. Une IA ferait ça très bien. C’est déjà sans doute le cas.

Et puis accélération rapide to 2024, et ce constat inattendu, presqu’absurde : mais merde, je rêve ou est-ce que les Vaccins viennent de pondre leur meilleur album ? Exagéré peut-être, mais après une bonne dizaine d’écoutes je déclare le débat au moins ouvert. "Sometimes, I Swear", d’entrée, me met une claque monumentale. Frissons. Ce refrain en apesanteur, totalement euphorisant et en même temps complètement désespérant – « des fois, je vous jure, j’ai l’impression d’être un étranger partout où je mets les pieds » : c’est beau, c’est un peu con et ça me donne presque envie de chialer – c’est du très grand Vaccines cuvée 2011 et re-merde, ça fait plaisir de les revoir finalement… En 2011 tout était tellement plus simple et pur.

Le reste du LP ne déçoit pas. Hit, hit, re-hit. "Love to Walk Away" fait 2 minutes et 7 secondes, et "Sunkissed" est aussi lumineuse et radicalement primaire que son titre indécent le suggère. C'est simple, c'est basique, c'est conçu et développé en laboratoire pour être écouté en repeat et en repeat encore, et dans le casque en promenade de préférence. Essayez, je vous promets que que vous aurez envie d’embrasser tous les trottoirs gris de Paris. Ou de Montluçon.

Et surtout, parce qu’il faut tout de même théoriser un peu, c’est l’occasion de réaliser, enfin, que les Vaccines ont bien un petit truc à eux. Voire même quelques petits. Que ces quatre grands garçons ne sont pas juste des clones.

Ce que j'ai noté :

  • Un sens du refrain absolument ébouriffant. Il n’y a rien de plus bêta que de faire des couplets-refrains couplets-refrains a priori, et pourtant 1000 ans après les Scarabées ça marche encore… Chez les Vaccines, en particulier, le refrain est je crois une chose étrange qui conjugue joliesse mélodique pleine et entière et mélancolie extrême, comme la vie. Une espèce de suicide heureux, dans la force de l’âge. Un pied de nez.
  • Justin Young ne serait-il pas tout simplement un des meilleurs chanteurs rock du monde en réalité ? Le fait était là depuis des années, caché. Car oui, tous ces enchainements couplet-refrains propres et parfaits c’est en très grande partie grâce à ce monsieur : écoutez-le, cette façon qu’il a toujours de démarrer dans le grave et le doucereux avant d’exploser dans les aigus et de nous avouer que tout est foutu à chaque refrain… C’est une drogue. A l’heure qu’il est je me vautre dedans, à la seringue.
  • Quand ils en ont envie, ces quatre types savent quand même écrire des petites mélodies pop catchy à la pelle. 10 titres dans cet album, et pas un qui ne donne pas envie de sourire et de se réconcilier avec toutes les enflures de la Terre. Est-ce que tout cela a tendance à un peu se ressembler toutefois ? Oui, peut-être. So what ?

Si vous vous attendiez à de la musique expérimentale, c’est que vous n’avez rien compris aux Vaccines. Dancez. Chantez. Fredonnez. Laissez Justin Young vous balader.

Sometimes, I swear, it feels like I don't belong anywhere...