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jeudi 4 mai 2023

Chronique documentaire : Get Back, au plus près du dernier souffle des Beatles

 

En trois épisodes de deux heures et demi, Peter Jackson (Le Seigneur des anneaux, King Kong) nous immerge dans la réalisation dantesque, captée en vidéo, du dernier album des Beatles (Let it be), ainsi que dans leur dernière performance live. Une plongée, certes (très) contrôlée mais ô combien instructive, dans l'histoire du rock. Rien que ça.

Get Back est l'une des plus grandes chansons des Beatles. Depuis quelques mois, c'est aussi l'un des plus formidables documentaires rock qu'il nous ait été donné de voir. En neuf heures de rush enregistrées par Michael Lindsay-Hogg au cœur de l'hiver 1969, divisés en trois épisodes, la mini-série de Peter Jackson offre tout simplement une immersion dans les derniers mois d'existence de l'un des plus grands groupes de l'histoire. Et c'est peu dire qu'elle est tendue, cette dernière ligne droite. Alors, oui, à une exception notable près dans le premier épisode, on ne voit pas les Fab Four s'écharper véritablement ou en venir aux mains. Les rencontres pivots, hors studios, pour faire revenir Georges Harrison un temps sur le départ (définitif), notamment, sont évoquées par un texte et une photo lapidaires. Et les intéressés n'ont pas hésité non plus à demander d'éteindre les caméras lorsque les sujets qui fâchent se faisaient jour...

Il n'empêche, et c'est ce qui fait aussi le sel de Get back - le documentaire cette fois - on sent affleurer les désaccords, les incompréhensions, les frustrations, parfois clairement exprimées d'ailleurs. Entre un Paul Mc Cartney qui s'efforce de faire avancer le groupe pour qu'il produise suffisamment de chansons dans le cadre de leur nouvel album et un George Harrison qui avoue à John Lennon son désir de faire un album solo et qui, de toute évidence, est moins à l'aise ou heureux que ses comparses, le fossé est palpable. On peut aussi citer l'épisode de la rencontre avec Allen Klein (qu'on ne voit pas) afin qu'il devienne le nouveau manager des Beatles. On voit Lennon en parler avec Harrison mais Mc Cartney n'est pas là (était-il déjà au courant ou alors mis de côté?). Bref, on est bien loin de l'harmonie des chansons et clairement, le ver est déjà bien dans le fruit (et on n'a même pas parler de la présence permanente de Yoko Ono auprès de son cher et tendre). Cependant, il faudra attendre avril 1970 pour voir la dissolution être officiellement actée.

Ce qui est aussi fascinant, en lien avec ces problèmes relationnels forcément, c'est de voir le groupe tâtonner sur ce qu'il souhaite faire. Partant au départ sur une émission TV dans les Twickenham Films Studios et un concert à l'étranger, ils se rabattent finalement sur l'accomplissement d'un album chez Apple Corps, leur "maison", et sur un concert improvisé sur le toit de ce studio. Concert-événement historique, puisque le dernier des Beatles, qui a failli ne pas se tenir et qui n'a pu aller à son terme, du fait de l'opiniâtreté de l'agent de police Ray Shayler, pas du tout amadoué par l'esbroufe déployée par les membres de l'équipe. Ce qui donne lieu d'ailleurs à des scènes très drôles. La mine réjouie de Paul Mc Cartney sur le toit, quand il se retourne et voit l'officier, rappelle qu'on a aussi affaire à de grands enfants.

Et la musique dans tout ça, alors? Eh bien, elle est fantastique. Sublime même. Mc Cartney le reconnaît lui-même, le groupe n'a jamais été aussi bon. Les voir concevoir et enregistrer les chefs-d'œuvre Get back, Don't let me down, Dig a pony, The long and winding road, Across the universe... Fichtre! La collection est hors concours. La complicité musicale de Lennon et Mc Cartney crève (encore) l'écran et même en s'amusant, en reprenant des standards du rock, ils prouvent toute leur maestria. Invité en cours d'enregistrement par Harrison, le claviériste Billy Preston apporte fraîcheur et talent. Et au-delà de la dimension mythique conférée par son sujet, Get back est aussi une magnifique porte d'entrée sur la création musicale. De quoi y revenir sans cesse...

'Get Back', disponible sur Disney+.

Et pour la route, même si la chanson est à peine jouée dans le documentaire, le merveilleux titre Something, courtesy of ce bon vieux George.

lundi 1 mai 2023

Chronique littéraire: Bowie, what a life!

Impossible à cerner à la fois comme artiste et homme, David Bowie fait pourtant l'objet, dans A life de Dylan Jones, d'une biographie puissante et éclairante. Ou comment derrière la plongée sans filtre dans sa vie, jaillit le génie unique d'un simple banlieusard londonien.

Unique en son genre, David Bowie (1947-2016) l'est assurément. Résumer tout ce qu'il a été, tout ce qu'il a créé, tout ce qu'il a vécu en un livre, en un film est une tâche incommensurable, voire impossible. Et pourtant, Brett Morgen au cinéma, avec Moonage Daydream (2022), et Dylan Jones en littérature, avec A Life (2017), se sont attaqués à l'Everest. Pourquoi lier les deux projets? Car, tout en suivant un certain ordre chronologique, l'un comme l'autre ont décidé d'aborder l'astre Bowie par la multiplicité des images, des visages et des récits qui tournent autour de lui. Un astre, vraiment ? Plutôt une galaxie, illustrée dans le livre qui nous intéresse par les quelques 180 (!) entretiens qui ont nourri le travail du rédacteur en chef du magazine GQ.

La petite bande-annonce de Moonage Daydream qui va bien

Et lorsqu'on fait la liste des gens qui l'ont côtoyé et qui interviennent, on frôle l'apoplexie. De Mick Ronson à Franck Black (certes brièvement), de Brian Eno à Iggy Pop (trop brièvement là aussi), de Lou Reed à Arcade Fire - sans oublier John Lennon évidemment, c'est un véritable panthéon du rock qui s'offre au lecteur. Une liste, à laquelle il faut ajouter tous ces musiciens monstrueux (Earl Slick, Carlos Alomar, Mike Garson...), qui révèle quasiment à elle seule le génie absolu de Bowie. Tous les témoignages évoquant le créateur de Space Oddity en studio sont unanimes : l'artiste les estomaquait tous par la qualité et la fiabilité extraordinaires de sa voix, la fermeté de sa vision et sa capacité à tirer le meilleur de tous.

Il faut dire aussi que dans le sens inverse, il en a bien profité, le bougre. Souvent critiqué pour le fait de "copier" les autres artistes - demandez à Jagger ce qu'il en pense par exemple - ou de lâcher sans ménagement ses collaborateurs pour voguer vers de nouvelles aventures discographiques - hormis les Spiders from Mars, peu lui en ont tenu rigueur pourtant - l'homme Bowie n'était pas forcément le plus sympathique. C'est là l'un des grands mérite de A Life : montrer qu'un génie de la musique ou un artiste pouvaient être à ses heures perdues un sale con ou un connard méprisable, c'est selon. De même, ses addictions complètement déréglées à la coke ou au sexe qui, à notre époque, auraient pu le conduire en prison nous font penser qu'être David Bowie, ce n'était pas facile tous les jours. Quant aux épisodes sur sa famille, l'ouvrage vient apporter un éclairage intéressant sur la folie (inventée?) régnant dans sa famille.

Au final, cependant, tout ce qui relève de la vie privée de Bowie dans le livre s'efface derrière sa manière de vivre l'art en général. D'une époque à une autre, d'une identité à l'autre, les interventions de mister Jones (le sujet du livre, pas l'auteur) sont passionnantes à cet égard. Refus du compromis, intérêt constant pour les autres artistes, transmission auprès des plus jeunes générations : David Bowie n'a pas volé sa place dans l'Olympe du rock. Hormis Dylan dans les années 1960 - bien que fabuleux, les Beatles n'auront régné "six" ans - qui a défini une décennie (les années 1970, évidemment) par ses audaces musicales et visuelles constantes? Qui peut se targuer d'avoir enchaîné les chefs-d'oeuvre comme Hunky Dory, The Rise and Fall of Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Station to Station, Low, Heroes, Lodger? Et vous savez ce qui est le plus fou? C'est qu'il en reste sûrement encore beaucoup à écrire...

lundi 13 mars 2023

Conseil lecture : Kim Gordon - Girl In A Band



L’excellente autobiographie de Kim Gordon (bassiste et part-time chanteuse de Sonic Youth) est sortie il y a quelques années de cela (2015), avec une traduction française chez Le Mot et le Reste (2017).

C’est relativement court (272 pages), et cela a le mérite de bien balayer toute la vie et carrière artistique de Kim Gordon, de son enfance californienne à ses débuts chaotiques comme artiste visuelle / no-wave* dans le New York post-punk des années 80, préfiguration du son noise-rock de Sonic Youth et des montagnes de distorsion introduites par Lee Ranaldo et Thurston Moore aux guitares. Ce dernier, compagnon de Kim Gordon pendant 30 ans, puis parti voir ailleurs en 2011, en prend logiquement un peu pour son grade en fin d’ouvrage (sans que cela prenne toute la place).

* Mouvement artistique et musical new-yorkais basé sur la volonté de revenir à un son primitif avec le plus de dissonance possible, né en réaction contre la new-wave, jugée « cheesy » et « corny », c’est-à-dire trop pop et commerciale. Sans postérité évidente.

Les fans de Sonic Youth apprécieront le découpage album par album en seconde moitié du livre (de Confusion is Sex à Washing Machine), reconstituant bien la progression du groupe sur cette période clé de 10 grosses années, et les fans de Nirvana les quelques mots sur Kurt et Courtney – le premier étant un fan de longue date du groupe, puis ami. La seconde pas tellement.

Quelques extraits (traduction libre) :

« Los Angeles dégageait une impression de désolation à la fin des années 60, ou même d’inquiétude, quelque chose qu’on ressent encore aujourd'hui dans certains endroits de la vallée de San Fernando. C’était un sentiment d’expansion apocalyptique je dirais, l’impression que les trottoirs et les maisons gagnaient toujours plus sur les collines et les vallées et ne s’arrêtaient jamais, tout cela combiné avec un une absence totale de repères. En grandissant à LA, on était forcément conscient d’une façon ou l’autre de ça, je veux dire l’étendue infinie de cette ville, et son absence d’attachement à tout ce qui n’était pas son image dans le miroir. »

« Je ressens toujours la même excitation quand je m’engage dans la West Side Highway, comme si j’étais encore en 1980 et que je prenais le pont vers Manhattan pour la première fois (…) La première fois que j’ai pris l’Hudson Parkway c’était une expérience extrêmement chaotique et angoissante, un peu comme si votre voiture était une petite boule de flipper propulsée sur une piste de ski noire en plein milieu d’une forêt. Tout n’était qu’inconnu et potentialité. En 1981 la ville de New York était proche de la faillite, avec des grèves d’éboueurs quasiment tous les mois, et des infrastructures couvertes de mauvaises herbes toutes plus ou moins sur le point de s’écrouler. Aujourd’hui, elle resplendit et domine tellement tout ce qui l'entoure que la plupart des gens que je connais la détestent et ne la comprennent plus. »

« Au début [de Sonic Youth], le groupe c’était juste moi, Thurston et Lee, et différents batteurs qui allaient et venaient comme des piétons qui marchent dans la rue et s’arrêtent pour jeter un coup d’œil à la vitrine d’une boutique (…). Nos premières répétitions, ça consistait juste à s’installer vaguement en cercle et jouer sans aucune batterie. Ça n’était pas vraiment ce qu’on appelle « jouer », pour être honnête. On grattait les cordes de nos guitares pour faire des sons bizarres. Et puis Thurston a eu l’idée de se servir de sa guitare comme d’une percussion, avec une baguette. On n’avait pas de batteur, et aucun autre moyen de marquer le rythme. »

« Je n’étais pas très à l’aise quand on a commencé à jouer sur scène. J’essayais juste d’assurer un minimum à la basse, en espérant que les cordes ne cassent pas tout d’un coup et que le public passe un bon moment. Je n’ai jamais spécialement pensé au fait d’être une femme dans ces moments-là, et encore aujourd’hui, franchement, je ne réfléchis jamais en termes de « féminité » ou pas, à moins que je porte des talons, et dans ce cas-là j’ai plus le sentiment d’être un travesti qu’une femme. (…) L’idée de mettre en avant le fait que je sois une femme ne m’a jamais traversé l’esprit avant qu’on signe chez Geffen [gros label US, avec les considérations marketing qui vont avec] »

« Je ne me suis jamais vue comme une chanteuse avec une belle voix, ou même comme une musicienne. Si j’arrive à produire quelque chose, c’est uniquement en m'imaginant que je saute d’une falaise. Neil Young a dit un jour que l’important c’est d’avoir une voix authentique, pas une belle voix – même si bien sûr, Neil Young a une voix magnifique. »

« La première fois qu’on a vu Nirvana avec Thurston, c’était au Maxwell’s, cette fameuse salle de Hoboken dans le New Jersey. Bruce Pavitt, le fondateur du label Sub Pop, m’avait dit que si j’aimais Mudhoney – ce qui était le cas – j’allais « adorer Nirvana ». Il avait ajouté : « Il faut que tu les voies en live. Kurt est comme Jésus-Christ. Les gens l’adorent. Il marche quasiment sur le public quand il se jette dedans. »

« C'est étrange, mais je pense souvent à Kurt (...) Je me souviendrai toujours de sa maigreur et se fragilité, cette apparence très frêle qu'il avait, et de ses yeux grands comme des soucoupes, des yeux à la fois lumineux, innocents et un peu enfantins, ronds comme des planètes. Sur scène, c'était tout le contraire : il était complètement inarrêtable, à un point souvent un peu effrayant. Il y a un moment, malheureusement, où cette absence totale de limites se mue en autodestruction, et il ne le connaissait que trop bien. »

« [à propos de l'introduction de Nirvana au Hall of Fame en 2014, durant laquelle elle a interprété "Aneurysm" avec Kris Novoselic et Dave Grohl] Sur scène, j'ai repensé au fait que Kurt était le performer le plus intense que j'ai jamais vu. Je ne pensais qu'à une chose avant de monter sur scène : il fallait que je communique au public le même genre de puissance. J'ai chanté "Aneurysm" et son refrain "Beat me out me" en donnant tout ce que j'avais, toute cette rage et cette peine accumulées ces dernières années - une explosion de douleur de 4 minutes, un moment de deuil grâce auquel je pouvais enfin me laisser aller, et enfin ressentir toute l'incroyable tristesse de la mort de Kurt et de tout ce qui l'avait entouré.»

Cette performance est visible ci-dessous :


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Et une mini-sélection de Sonic Youth pour finir.

Teenage riot (1988). Cette chanson, nantie d’une intro instrumentale de 2 bonnes minutes dans sa version complète, est une vraie déclaration programmatique : poème slam de Kim Gordon en ouverture (« spirit desire, spirit desire… »), grosses guitares qui grésillent puis explosent dans tous les sens, hommage à J Mascis, guitar-hero de Dinosaur Jr, tout concourt ici pour clore le chapitre "années 80" et basculer dans quelque chose de totalement différent. Premier titre d’un album (Daydream Nation) qui a largement redéfini le rock alternatif et influencé à peu près tous les groupes rock majeurs apparus par la suite.


The Sprawl (1988). Même album. Un titre avec Kim Gordon au chant, contrairement au précédent (Thurston Moore). Le « sprawl » c’est l’étalement en VF, une référence à Los Angeles là encore, et son paysage fait de larges avenues bétonnées fracassées par le soleil et infestées de publicités pour le grand mall le plus proche (« come on down to the store, you can buy some more, more, more, more… »). Un instru de 4 minutes pour finir, splendide.


 

vendredi 24 février 2023

Conseil lecture : Manchester Music City

 


Suite de la littérature sur le rock à Manchester (cf. bio sur New Order)

John Robb - Manchester Music City (Rivages Rouges, 2010)

La bible indépassable pour tous ceux qui s'intéressent au rock, à la ville de Manchester et à l'étonnante fusion entre les deux. Écrite sous la forme d'une "histoire orale", de manière plus ou moins chronologique, elle met en scène et en ordre les centaines de témoignages d'individus ayant vécu le mouvement de près (musiciens, fans, DJs, managers, gérants de bars…), allant des années 60 (premiers groupes de « Merseybeat ») à l’arrivée d’Oasis en 1994 (Definitely Maybe), triomphe commercial mais chant du cygne d’une ville ayant sombré dans les joies de l’ecstasy et de l'acid-house à la fin des 80’s – le fameux instant « Madchester » et les nuits folles à la Haçienda – avec une immense gueule de bois à la clé. Et quelque décès prématurés.

Innovations sonores, concerts mythiques, à moitié vides, créations de groupe, ruptures, reformations partielles, concepts esthétiques avant-gardistes géniaux ou foireux, esprit Factory et "Northern soul", tout est là, avec ses principaux acteurs : les Buzzcocks d’abord, parrains du punk puis post-punk mancunien, et ensuite dans l'ordre Joy Division, New Order, The Smiths, Happy Mondays, the Stone Roses, entre autres.

John Robb, écrivain et journaliste musical britannique, est lui-même musicien, ainsi que le fondateur du groupe post-punk The Membranes, relativement confidentiel. Il a connu toutes ces années.

En guise d’aperçu, pas de meilleure citation possible que les mots de JD Beauvallet himself (les Inrocks), fin connaisseur de Manchester et auteur de la préface de l’édition française :

« Je sors de la gare de Picadilly, traînant deux lourdes valises qui m’ont explosé les mains, en sang depuis le terminal ferry de Newhaven. Griffonnée sur un bout de papier usé par le voyage, l’adresse que j’ai trouvée, depuis ma chambre provinciale, comme point de chute (…) Whitworth Street est une des raisons pour lesquelles j’ai abandonné dès l’aube une vie sans doute plus calme et prospère : le label Factory y a ouvert, depuis un an, son propre club, The Haçienda. Chaque semaine, dans le New Musical Express que je reçois avec des semaines de retard, une publicité austère annonce les groupes guère plus joyeux que le club invite : exactement la musique que je diffuse dans mon émission de radio libre, précisément le son chaotique qui sert de BO adéquate à une adolescence confuse. Cette publicité est un appel aux armes, l’avis de mobilisation : le slogan, piqué à des situationnistes dont j’ignore tout encore, est répété comme un mantra sur les publicités : « The Haçienda must be built. » Et moi, je dois être là. »

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Et pour le teaser : deux morceaux typiques de la vague « Madchester », par deux groupes incontournables alors mais largement oubliés depuis (surtout de ce côté de la Manche).

The Stones Roses – Elephant Stone

Emmenés par lan Brown (vocals) – à qui Liam Gallagher d'Oasis a piqué à peu près tout, du style vocal à l'attitude sur scène – les Stone Roses ont été le grand groupe anglais de la toute fin des années 80, avec un immense album, The Stones Roses, numéro 1 des charts en 1989. Rempli de hits instantanés comme I wanna be adored ou She bangs the drums, ou l’improbable funk beat de 10 minutes Fools Gold, cet album est la parfaite synthèse entre rock psychélique des années 60-70 et les rythmiques beat/house qui faisaient alors rage à l'Haçienda avant de conquérir le reste de l'Europe. Aux drums : Alan John Wren, dit "Reni", sans doute un des meilleurs batteurs du monde alors. Son jeu ultra-dynamique est bien mis en évidence dans ce single datant de 1986, produit par Peter Hook (New Order).


Happy Mondays – Kinky Afro

Encore plus psyché que les Stones Roses, tous toxicomanes au dernier degré, les Happy Mondays s’apparentaient plus à un collectif de hooligans en vacances qu’à un groupe de rock. "Drug dealers first, musicians second" disaient d'eux leur manager. "Le plus grand poète anglais depuis Keats" disait Tony Wilson (directeur de Factory Records) à propos de leur leader, Shaun Ryder, lyriciste lunaire shooté 24 heures sur 24 et coiffé d'une splendide coupe au bol dans ses grandes années. Ont tout de même sorti 4 albums, jusqu’au désastre final (le crack). Aisément reconnaissables par la présence constante sur scène et en backstage de « Bez », un grand type maigre en short baggy dont l’unique contribution était de danser comme un demeuré en pleine montée d’acide. Ont fini par couler (en partie) le label Factory par leurs journées de studio passées à ne rien faire (à part se droguer). Avant cela, ont enregistré quelques albums de funk-rock psychédélique diablement foutraques où Shaun Ryder déclame absolument n’importe quoi sur une rythmique très entraînante – dont le (presque) classique Pills ‘n’ Thrills and Bellyaches (1990). Mon choix va à Kinky Afro et son refrain n'ayant aucun sens apparent.


Et pour finir,  un film qui résume très bien tout cela : 24 Hour Party People, de Michael Winterbottom. Raconté via le point de vue de Tony Wilson, fondateur de Factory Records (joué par le génial Steve Coogan), le film retrace de façon très pop et décousue la montée d'une scène rock made in Manchester, du légendaire premier concert des Sex Pistols dans une salle quasi-vide (1976) à la désintégration des Happy Mondays et de tout le label Factory avec lui. Pas toujours véridique à 100%, de l'aveu même des concepteurs et artistes consultés, mais extrêmement représentatif.