Yumi Zouma est un groupe d'indie-pop néo-zélandais, fondé en 2014 par deux des membres actuels (Charlie Ryder, Josh Burgess) et une vocaliste partie depuis... une formation très particulière à l'origine puisque tous trois vivaient à différents points de la Terre (suite au tremblement de terre de 2011 ayant dévasté Christchurch notamment, leur ville d'origine) et s’échangeaient leurs idées musicales par Internet. Un groupe totalement dématérialisé donc, très "MySpace", qui a publié un premier EP en 2014 de façon un peu anonyme, puis grâce au bouche à oreilles et à la blogosphère attiré l'attention d'un petit label new-yorkais relativement réputé (Cascine). Partenariat toujours en cours.
Pas mal de changements de line-up ensuite, et finalement l'arrivée de Christie Simpson au chant qui donne, avec l'utilisation discrète mais experte des claviers à partir de leur premier LP (Yoncalla, enregistré en France avec Philippe Zdar de Cassius), la marque sonore de Yumi Zouma jusqu'à aujourd'hui : une pop légère en apparence mais parfaitement calibrée, indéniablement du genre mélancolique mais inexplicablement joyeuse aussi, parsemée de petites lignes de basse ou de clavier ultra entraînantes - et de refrains absolument parfaits. Plusieurs albums au compteurs déjà, et plusieurs EP, tous numérotés de façon sommaire (I, II, III, IV).
Le dernier en date (EP IV) est excellent, un peu plus porté sur les guitares par moments, et inclue notamment le titre qui m'a fait découvrir ce groupe ("KPR"), une vraie petite merveille... Il ouvre cette playlist.
Ma compilation personnelle de Yumi Zouma donc: 15 titres, 50 minutes, grand réservoir de douceur et de refrains délicieux. En avant-goût, ci-dessous, le clip assez mignon et étonnant d'un de leurs plus grands succès : "In Camera", extrait de leur troisième EP (EP III). Attention, gros twist à venir.
Et la playlist (cliquez dessus pour accéder à l'intégralité)
Après Nico Wave, mon tour est venu de dresser mon propre Top des albums sortis en 2023. Moins compulsif dans l'écoute de nouveautés que mon compère, je me cantonnerais à faire émerger cinq disques qui m'ont littéralement transporté. Ce qui ne veut pas dire que le choix a été plus facile, loin s'en faut...
1/ The Coral - Sea of mirrors / Holy Joe's Coral Island Medicine Show
Et the winner is.... The Coral! Et plutôt deux fois qu'une. En refaisant le coup du double album, deux ans après Coral Island, le groupe emblématique aujourd'hui de Liverpool a fait montre une nouvelle fois de toute sa grandeur. Le prédécesseur en question avait pourtant mis la barre très haute mais James Skelly, chanteur de plus en plus extraordinaire, et ses compagnons semblent encore l'avoir dépassé. Sea of mirrors, c'est la bande originale de western rêvée, mais une BO qui s'est retrouvée immergée dans les entrailles pop de Liverpool. Quant à Holy Joe's..., c'est le prolongement de Coral Island, l'empreinte country en plus. Et pourtant... On ne se fait guère d'illusions sur la rencontre entre productions millésimées et ventes en folie dans les bacs. D'une part, on aimerait tant que The Coral atteigne la reconnaissance publique qu'il mérite mais dans le même temps, on aime aussi l'impression de garder précieusement un secret à l'écoute de ces merveilles. Bon, le fan coralien que nous sommes est encore prêt à vivre ce sacerdoce pendant longtemps.
Chansons préférées:"Faraway Worlds", "North Wind", "Child of the Moon" et "Oceans apart" pour Sea of mirrors; "The sinner", "The road is calling" et "Long drive to the city" pour Holy Joe's...
On ne sort jamais indemne d'un album de PJ Harvey et le dernier en date, sorti cette année, n'échappe pas à la règle. Après un hiatus de sept ans, le temps de retrouver l'inspiration, Miss Harvey revient avec un petit chef-d'œuvre. Chef-d'œuvre qu'il est difficile de définir, tant il vogue entre rock feutré et minimaliste et folk spectral. Pour nous, elle nous a refait le coup du sublime White Chalk (2007), mais dans un registre différent, moins lyrique. On serait curieux d'en voir la représentation en live. Un exercice dans lequel elle excelle. Nous avons d'ailleurs eu la chance de la voir deux fois en concert, à Glastonbury et à la Route du Rock, en 2016, l'année de son dernier projet avant celui-ci. A chaque fois, sa prestation se classait dans notre Top 3. L'excellence, la (grande) dame connaît, merci pour elle.
Chansons préférées:"Lwonesome Tonight", "A Child's question, August", "A Child's question, July" et "A noiseless noise"
Encore un double album, me direz-vous. Et pourtant... Sorti en numérique en mai 2022 mais en physique cette année, l'avant-dernier album du groupe mérite amplement de figurer parmi ce Top 2023. C'est ce qu'on appelle du Tweedy grand cru, un Wilco de tout premier ordre. Une capacité à émouvoir intacte, par le biais de mélodies (im)mortelles. Une production aux petits oignons. La voix de Jeff Tweedy qui touche au cœur, une fois de plus. Parvenir à sonner aussi frais, à se montrer toujours aussi créatif après près de 30 ans de carrière, c'est tout simplement phénoménal. C'est aussi rassurant pour la suite - même si Cousin, sortie plus tard cette année, n'est pas de la même trempe. On voit mal Tweedy s'arrêter d'écrire et de composer. Comme dirait un génie du rock anglais dans une version réactualisée, "Let's all meet up in the year 2030".
Chansons préférées:"The Universe", "Many worlds", "'Story to tell".
Entourés d'artistes qui, tous, ont une carrière de 20 ou 30 ans derrière eux, les Lemon Twigs apparaissent dans ce classement comme les petits jeunes qui viennent foutre le bordel. C'est dire aussi à quel niveau ils sont parvenus après seulement quatre albums. Quatre! Et leur dernier en date, Everything harmony, est tout simplement leur meilleur. Que ce soit en termes de chansons, de production, voir même d'interprétation, même si Brian D'Addario évolue dans des sphères très hautes sur ce plan-là depuis le début. Et ce qui est génial avec ce groupe, c'est aussi la progression de disque en disque, qui ne semble pas être achevée. Avec ces Beach Boys des temps modernes - qui, cependant, n'ont pas l'équivalent des Beatles en rivaux, comme Brian Wilson a pu avoir -, on est aussi impatient de connaître l'avenir.
Chansons préférées :"What You Were Doing", "Corner of My Eye" (Homme de goût, Adam Green a confié dans une interview qu'il adorait cette chanson), "What Happens to a Heart" et "Born to Be Lonely".
La résurrection de l'année. Faut dire aussi qu'on ne l'avait pas vue venir, celle-là. Mark Linkous, mort en 2010, qui revient des Enfers ou du paradis pour donner une leçon aux rockeurs d'aujourd'hui. Ce Bird Machine est assez incroyable à plus d'un titre. Déjà, la famillle du songwriter s'est lancée dans une entreprise risquée, celle de conclure un album certes bien avancé mais sans son brillant auteur. Ensuite, obtenir un résultat qui respecte la qualité supérieure des quatre premiers albums de Sparklehorse. Pas une mince affaire. Enfin, ne pas décevoir une fanbase qui, si elle n'est peut-être pas la plus étendue du monde, a développé un attachement très profond à l'œuvre de Linkous. Résultat des courses, le pari est largement tenu, voire au-delà. Mark Linkous peut reposer l'esprit tranquille.
Chansons préférées :"Evening star supercharger", "Falling down", "Daddy's gone" et "Everybody's gone to sleep".
C'est l'été, à ce qu'il parait. A l'heure où j'écris ces lignes (28 juillet 2023, Paris, 17 degrés Celsius) la formule n'a rien d'une évidence mais le calendrier est là, implacable. A défaut de pouvoir s'appuyer sur la météo et la contemplation de ciels bleus délicieusement laiteux, replions-nous donc sur les playlists. C'est mon projet en tout cas.
N'épiloguons pas sur la dream-pop - le genre, son nom, ses origines, ses membres illustres, ses conflits de frontières avec la shoegaeze et l'indie pop et bla bla bla, bla bla bla. Who cares ? Pas vous. L'important, en ces temps sombres et apocalyptiques, est de se laisser à la rêverie et de s'imaginer ailleurs, si possible n'importe où. Une plage aux Açores, une terrasse à Naples, un parking Auchan d'Aix-les-Bains vaguement ensoleillé, qu'importe. Ces 15 titres, vaguement réunis par certaines similarités sonores et d'atmosphère (mélodies planantes, voix lointaines, synthés moelleux ou petits arpèges de guitare chaleureux), sont là pour ça. Écouter, se laisser porter, oublier.
Let's hit play, et voyez ce que ça donne.
Au programme, beaucoup de Britanniques et de Nord-Américains comme toujours, dont quelques références du style (Beach House, Cocteau Twins, Tennis), ainsi qu'un bon petit Alvvays et quelques autres curiosités : un groupe français (devinez), deux formations suédoises (mais anglophones), et enfin une Néo-Zélandaise qui sera à Paris le 27 octobre prochain pour un concert (quelle chance). Voilà, plus qu'à fermer les yeux... Pour de vrai.
Il pleut toujours dehors, pendant ce temps.
La playlist sur Spotify (extraits, cliquez dessus pour y accéder)
Compilation d’un genre nouveau cette semaine : n’ayant
en ce moment envie d’écouter – et de faire écouter – que Feist, c’est une petite anthologie personnelle de ma citoyenne canadienne préférée que j’ai décidé de vous
infliger. Il est encore temps de fuir.
L’idée, je précise, était originellement d’aboutir à un top
10 de ses meilleurs titres, voire un top 15 (ou 20…), enfin un objet bloguesque assez bien identifié
en tout cas, et généralement populaire auprès des lecteurs… Alors, quid du top 3 ? D’accord
ou pas d’accord ? Faute de goût majeure ou pas ? Las, je n’y suis pas
parvenu : trancher ainsi à la hache dans la discographie de Feist, ça ne
me disait pas tellement en réalité. Devant une telle œuvre, je trouve, l’idée
de classement est obscène. Oublions.
L’opération, in fine, s’est donc limitée à choisir 15 titres
parmi ses 5 albums, que je vais vous présenter dans l’ordre
chronologique (et de la tracklist de chaque opus). La playlist complète est
aussi disponible sur Spotify. Ça n’est pas très original, mais j’assume.
Mushaboom (Let It Die, 2004)
Du très lourd dès le début, avec la chanson qui a révélé Feist auprès du sacro-saint « grand public ». Un hit de pop indie
léger et instantané, et assez indémodable, qui tire son titre d’une petite-ville de Nouvelle-Écosse où Leslie Feist (son nom complet) a passé ses premières années
avant de partir vivre plus à l’Ouest dans le Saskatchewan puis à Calgary. Un
hymne un peu ironique à l'idée d'une vie simple à la campagne le long d'une vieille route boueuse, « planting lilacs and
buttercups » (à planter des lilas et des boutons-d’or). Une certaine aisance à trouver les quelques notes qui restent en tête, d'emblée. Et un album
enregistré à Paris pour rappel, où elle vivait à l’époque. Le clip est lui
tourné à Prague.
One Evening (Let It Die, 2004)
Hit plus mineur du même album, mais pas moins délicieux. Teintes
sonores plus jazzy cette fois pour cette ballade chaloupante contant l’histoire d’une
relation doucement éphémère où la voix inimitable de Feist – cristalline et légèrement
rugueuse à la fois, semblant toujours sur le point de se briser comme un mur de
verre – fait particulièrement mouche. Un clip assez facétieux en prime, avec en
guest l’artiste canadien Rich Terfry, plus connu sous le nom de Buck 65. When we started…
I Feel it All (The Reminder, 2007)
L’album de la consécration, vendu à des millions d’exemplaires
grâce à un insert publicitaire plutôt réussi (cf. plus bas). Troisième single. Ode ambiguë
au chaos, aux sentiments trop pleins qui partent dans tous les sens et aux relations
(peut-être ?) perdues d’avance - des thèmes feistiens par excellence, que l'on retrouve avec plaisir tout au long de son œuvre foisonnante. Musicalement, un mélange de petite pop légère
et de rock un peu foutraque qui rappelle certains moments de Broken Social
Scene (le grand groupe d'indie-rock canadien auquel elle a appartenu), et
qu’elle joue d’ailleurs parfois avec eux sur scène dans une version encore plus débridée. Clip simple mais très visuel.
My Moon My Man (The Reminder, 2007)
Une autre histoire de sentiments changeants, inscrite cette
fois dans une métaphore très naturaliste et même astrale (les cycles de la lune, changeante comme l'humeur de son homme... Partira ou partira pas ?).
Cinq notes de piano tout de suite reconnaissables en guise d’intro et un
morceau qui part ensuite de façon inattendue en pop symphonique assez jouissive
avec moult cordes et vents à la clé. Extrêmement aisé à chantonner ou siffloter. Le clip sur escalier roulant d’aéroport est
un must.
1234 (The Reminder, 2007)
Le grand hit de Feist, presque malgré elle : succès commercial
phénoménal après son utilisation dans une publicité pour l’Ipod Nano (un bien bel
objet, que l’on regrette). Co-écrite avec l’artiste australienne Sally Setlman
qui avait eu l’idée de départ et lui a refilé le bébé. Une histoire d’amour
déçu pour le moins classique transcendée par le sens inné du rythme et du
refrain de madame – et une bonne dose de « oh oh… » et de claquements
de main. Enregistré en région parisienne une fois encore, comme tout l’album The
Reminder, aux mythiques Studios La Frette dans le Val d’Oise : une
aventure d’ailleurs retracée dans le très bon documentaire « Look At What the Light
Did Now » (en accès libre sur Youtube).
Cette chanson a fait l’objet d’innombrables utilisations dans différents films et émissions télévisées, dont la plus célèbre outre-Atlantique est sans doute la
version réécrite par Feist herself pour Sesame Street, l’émission culte
pour enfants. Frange de compétition pour l’occasion.
The Bad in Each Other (Metals, 2011)
Passage à Metals, album suivant et aussi dissemblant que
possible de The Reminder : un opus profondément blues et folk n’ayant plus
grand-chose à voir avec les quelques hits pop l’ayant porté au firmament du
star system. Une volonté claire de prendre la tangente, bien visible dans le
clip de cette chanson d’ailleurs, dont elle est quasiment absente. Une
ballade blues à vous coller des frissons pleine de percussions primaires, de
violons discordants et de boucles de guitare obsédantes en forme de douloureux présage : « When a good man, and a good woman, can't find the
good in each other… ». L'impossible communication des êtres et des sentiments, encore et toujours. Programme annoncé d'entrée, et développé tout au long de l'album.
Graveyard (Metals, 2011)
Même album, même esprit, même orchestration sublime. Une
incantation païenne presque primitive, alors adressée à des proches récemment disparus et à la terre et
la poussière qui les recouvrent, dont on retrouvera un écho 12 ans plus tard dans
son dernier album (Become the Earth, pour son père). « Bring them
all back to life » chantonne Leslie faiblement puis en chœurs (ramène-les
tous à la vie), et on s’imaginerait presque les voir ressurgir de terre, en
effet. Whoa ah ah, ah ha !
How Come You Never Go There (Metals, 2011)
Un blues typique, porté d'entrée par des chœurs façon gospel donnant des allures de prière collective au tout. Un exercice d'exorcisme vain cela dit, portrait d'une relation où les dés sont déjà jetés et les sentiments périmés. Allez chercher l'espoir ailleurs. Régulièrement joué en live dans des versions un poil plus électriques et tout
aussi captivantes, permettant au passage d’apprécier les talents de guitariste
de l’intéressée (ICI par exemple), qui n'est pas une guitar hero à proprement parler mais gratte les cordes avec une certaine conviction, et même de l'âme - c'est important aussi. Un retour à la guitare particulièrement jouissif pour celle qui avait du remiser ses envies de guitare à l'époque de Broken Social Scene (déjà trop de guitaristes).
Any Party (Pleasure, 2017)
Extrait de son avant-dernier album, le moins user-friendly
et directement accessible probablement – encore que, on n’est pas dans l'électro conceptuelle non plus. Un opus pas
si différent du précédent d'ailleurs, avec des tonalités blues toujours assez
prédominantes et des compositions encore plus brutes de décoffrage – l’album a
été volontairement capté en très peu de prises, dans un esprit le plus "live" possible. Ce qui n’empêche pas la
subtilité et la complexité d’émerger cela dit : en témoigne cette
chanson au message plutôt simple (« you know i’d leave any party for you…»)
mais articulé en trois ou quatre parties et autant de flux et de reflux, montées
et redescentes de guitares… Une vraie expérience.
Century (Pleasure, 2017)
Le single le plus anti-single de toute sa discographie, sans
nul doute. Un titre tout en rythme, contre-rythme et percussions un peu glaçantes
qui voit Leslie se projeter dans la vie d’une espèce d’héroïne victorienne à la
Jane Austen ou Brontë passant toute la longueur de sa triste vie à attendre le
grand héros romantique qui n’est pas encore arrivé…. Jusqu’à la fin du siècle. Le
clip, chorégraphie d'une bataille, est dantesque
et le final inattendu, et chanté par l’immense Jarvis Cocker (Pulp), qui y apporte
sa petite touche de dandy british délabré. Près de 6 minutes au compteur, pour
bien s’assurer que le tout soit impassable en radio. But atteint.
Baby Be Simple (Pleasure, 2017)
Immédiatement dans la foulée de "Century", son exact
inverse ou presque : une ballade guitare-voix toute dépouillée et dont l’instrument
principal, plus que l’instrument à cordes mentionné, est la magnifique et si iconique
voix de Leslie Feist, qu’elle module à l’envi pour nous projeter dans autant d’univers
mentaux, et implorer encore une fois à l’objet de son affection d’être un peu
plus "simple", tout simplement. Les aigus oscillent et montent sans jamais rompre,
comme par enchantement. 6 minutes là encore, parce que pourquoi pas.
Hug Of Thunder (Hug Of Thunder, 2017)
Petite entorse au règlement puisque c’est d’un album de Broken
Social Scene dont on parle (nommé comme la chanson), mais c’est bien Leslie Feist au chant ici, et au
moins en partie à la composition. Un titre envoutant qui met longtemps à
décoller, d’abord comme englué dans un rêverie sonore un peu impressionniste – agitée
de réverbérations lointaines comme souvent chez BSS – mais parait ensuite s’envoler
au-dessus de la stratosphère en l’espace de deux ou trois notes... La foudre. Lyricalement,
Feist fonctionne ici par petites vignettes successives, semblant vouloir
recréer l’atmosphère d’une adolescence incertaine, pas bien renseignée sur ce
qui est important ou ne l’est pas, et surtout « fed up by the hunger
supersize we found inside » (dévoré à l’intérieur par une immense faim de quelque chose de plus).
Ce genre de collaborations, on valide.
In Lightning (Multitudes, 2023)
Et nous voilà arrivés au dernier album. Avec ce premier
single, et premier titre du disque, Feist rompt encore une fois les digues de
la pop classique. Chœurs distordus d’entrée, gros tambours assez tribaux,
calme puis re-vacarme, nous voici revenus au royaume de Leslie Feist, un monde
de hauts et bas mais jamais d’ennui. Une histoire de révélation et de métamorphose
personnelle aussi, comme le reste de l’album, conçu entre la mort de son père
et l’arrivée de sa fille (adoptée), vécue comme "une incinération" dont on
finit par renaître des cendres, dans une version de soi différente mais plus
intéressante au final (elle explique ça ICI par exemple). Il y a un peu de tout ça dans ces presque 4 minutes assez
mystiques.
A noter que la genèse de cette chanson a fait l'objet d'un mini podcast assez intéressant chez Song Exploder.
The Redwing (Multitudes, 2023)
Une ballade folk nettement plus primaire mais fonctionnant tout
aussi bien. Une ode à la réclusion volontaire dans un petit chalet au bord
d’un lac de l’Ontario où elle passe désormais ses étés, libérée dit-elle du poids infini
de nos vies (« the endless weight of our lives »). Le redwing est un
oiseau, qu’elle aperçoit à l’occasion. Cette petite utopie sonore flottait dans
l’air depuis un certain temps, puisque l’on peut visionner sur Youtube une version
de 2018 encore en gestation, enregistrée au cours d’une répétition avec les Kings of Convenience au People Festival (Berlin). Quelques années de polissage
ensuite, et là voilà. Un éloge de la patience et de la contemplation.
Borrow Trouble (Multitudes, 2023)
Retour au bruit pour finir. Un bruit élégamment orchestré bien
sûr, et un bruit d’abord intérieur : « borrow trouble », en anglais,
c’est se chercher des ennuis inutilement et un peu par mauvais réflexe, ou
adopter des comportements toxiques comme l’on dirait peut-être aujourd’hui - ou addictifs Les
mauvaises personnes, les mauvaises habitudes, les mauvais moments… Et cetera. Jusqu’à la quasi folie, bien
illustrée ici par l’irruption des violons et d’un gros saxophone criard un peu
inquiétant. Et les percus qui fracassent, toujours. Et la petite voix
faussement naïve de Feist qui fait contraste, encore. Le calme revient parfois,
et le folk se ré-installe. Puis disparaît. Montée, descente, flux, reflux. Tout
est contenu là-dedans. Le clip ne dit rien d’autre.
Et maintenant, il ne vous reste qu'à écouter tous ces beaux albums en entier... J'ai laissé quelques perles de côté heureusement.
My Bloody Valentine en 1991 (Photo : Creation Records)
Shoegaze (nom féminin) : décrit un sous-genre musical dérivé du rock apparu au début des années 90 en Grande-Bretagne, étrange alliage de petites mélodies pop irrésistibles et de grosses guitares dissonantes très bruyantes cachant quasi-totalement lesdites mélodies, créant ainsi un effet d'écho assez irrésistible. Voix parfois peu audibles. Le terme "shoegaze" (littéralement : regarder ses chaussures en VF) a été utilisé pour la première fois en 1991 par un journaliste musical anglais, Steve Lamacq, qui se crut ainsi très malin de moquer des musiciens selon lui plus occupés à regarder leurs pédales d'effet et leurs guitares qu'à rouler des mécaniques pour le public comme l'essentiel des bons groupe de rock and roll à papa ayant sa préférence. La postérité n'est pas de ton côté, Steve.
Depuis, la shoegaze - parfois aussi qualifiée de noise-pop, power-pop voire même flirtant avec la dream-pop dans certains cas - s'est largement imposée comme l'un des genres mineurs les plus satisfaisants de ce siècle et du précédent, si tant est qu'on aime les bons vieux murs de guitares complètement distordues bien sûr. Mais dans un esprit pop, donc. Mieux vaut écouter pour comprendre.
C'est un petit condensé de ce genre merveilleux que je vous propose donc aujourd'hui, partant bien entendu de My Bloody Valentine, les pionniers écossais du genre, et agrémenté ensuite de quelques classiques anciens (Slowdive, Ride, Lush) ou plus récents (DIIV, Ringo Deathstarr, Bdrmm). Vous remarquerez par ailleurs que deux chansons portent exactement le même nom ("Kaleidoscope") : coïncidence assez troublante, mais purement hasardeuse semble-t-il... (sinon, n'hésitez pas à me le faire savoir).
Les plus alertes noteront aussi, peut-être, qu'un de ces titres était apparu dans une précédente playlist... Mais je n'y crois pas trop.
Bonne écoute.
Playlist Spotify (extraits - cliquez sur le titre pour accéder à la totalité)
Peu de groupes de rock pur et dur - ce qu'ils étaient à leurs débuts - ont été tant remixés que New Order : logique, les quatres de Manchester ont très tôt glissé vers une forme d'électro-rock assez unique et produit quantité de singles éclatants plus en rapport avec le monde des clubs que celui des scènes rock - "Blue Monday" évidemment, tube parmi les tubes, et pas mal d'autres à la même période charnière 1982/83 ("Confusion", "Everything Goes Green"), tous sous l'influence de la scène électro-club new-yorkaise. Consulter le clip de "Confusion" pour s'en persuader - presque un document historique - filmé et immergé en plein dans cet univers, avec notamment le massif Arthur Baker derrière les platines, DJ et producteur américain très fameux. Barney et compagnie, eux aussi, avaient l'amour des belles machines - la Roland TR-808 par exemple, drum machine de compétition qui a durablement changé la face de la musique.
C'est de bon gré, donc, que New Order a régulièrement confié ses quelques petits hits à des DJs plus ou moins réputés... Shep Pettibone notamment, un des rois de l'exercice, qui a remixé la Terre entière dans les années 80 de Kim Wilde à Elton John. Et deux titres de New Order par ailleurs, que vous retrouverez plus bas. Dans cette liste, courte mais longue de 72 minutes, vous trouverez en outre aussi un peu de travail maison : le remix de "Be A Rebel" par Bernard Sumner lui-même entre autres, qui me semble assez irrésistible. D'accord ? Pas d'accord ? Jugez sur pièce. Il y a pour le reste des choses assez hardcore (la version longue de "Temptation", 9 minutes), et d'autres beaucoup plus douces (l'immense "Bizarre Love Triangle", "Ruined In A Day"). L'euphorie est toujours là quoi qu'il en soit.
Prêts à bouger ?
BONUS (piste 11) : le dernier single du DJ britannique Mella Dee enregistré en collaboration avec... Bernard Sumner (voix et lyrics). Un titre qui aurait très bien pu faire office de face B remixée dans une quelconque compil' de New Order, et dont la pochette rose dégradée est d'ailleurs directement inspirée de la jaquette de l'album Technique (cf. plus bas). A tout seigneur, tout honneur.
La playlist (extraits, cliquez dessus pour accéder à l'intégrale)
Et pour finir, la fameuse jaquette de l'album Technique, summum d'hédonisme baléarien électro-rock / acid-house (album enregistré en partie à Ibiza en 1989 en pleine folie de l'ecstasy). Ce chérubin psyché-michelangélien est l’œuvre de Peter Saville - directeur artistique attiré du label Factory - comme tous les disques du groupe.
Et la pochette du single "Riptide" donc, pour comparaison
The Vaselines, cult band devant l'éternel (photo Stephen McRobbie)
Chaque pays a ses spécialités et ses inclinations
spécifiques : la France produit du fromage et des chanteurs de variété, la
Suisse de l’emmental et Stephan Eicher, et nos voisins belges l’essentiel du
personnel radiophonique et comique français. Les Britanniques, eux, font du
rock. A Londres les Clash et les Stones, à Liverpool les Beatles et Elvis
Costello, à Sheffield Pulp et les Singes de l’Arctique, à Glasgow Belle et
Sebastian, et à Manchester Joy Division, New Order, les Smiths et mille autres
groupes cultes, semi-cultes ou quasi-anonymes bien sûr, soit autant de formations
mythiques le plus souvent souterraines et « indie » (comprendre « indépendant »,
pour ceux qui n’avaient pas encore saisi le nom de ce site).
Dans la seconde moitié des années 80, l’indie-rock/pop anglais avait même un nom
de code : C86. Explications : en 1986, le NME (New Musical Express, l’une
des bibles de la presse musicale UK) décide de livrer dans son numéro de mai
une cassette-compilation de 22 titres de groupes « indie » édités
dans de petits labels locaux et alors très largement sous les radars :
parmi eux la plupart le resteront, à quelques exceptions près. Le
procédé sera ensuite détourné par des petits malins qui produiront, plus
récemment et rétrospectivement, les suites C87, C88, C89, C90 et C91. On prend
également.
La compilation que je vous propose, donc, est une petite sélection
succincte des dizaines et dizaines de titres et de groupes rock britanniques apparus
et disparus dans cette période étrange de l’histoire du rock, perdus quelque part
entre synth-pop et grunge – la plupart
partisans d’une jangle-pop remuante à petits riffs rapides, et précurseurs peu
remerciés d’une brit-pop 90’s elle ultra populaire (Blur, Oasis, Suede, Pulp,
etc). Certains atteindront, en guise de consolation, le statut de « cult
band » : pas mal d’Ecossais en particulier (The Pastels, The
Vaselines, Teenage Fanclub...), de Glasgow précisément, la capitale industrielle
de l’Ecosse représentant alors en Grande-Bretagne ce que Seattle incarnera plus
tard aux US (une ville excentrée et abandonnée de tous, où l’on peut faire du
rock indé tranquille sans les majors pour vous emmerder), avant de s’auto-détruire
avec le fracas qu’on sait. Idoles de Kurt Cobain, les Vaselines apparaitront d’ailleurs trois fois dans la discographie de Nirvana (deux reprises dans Incesticide, puis une autre
dans le live culte MTV Unplugged). D’autres groupes resteront à jamais dans les limbes.
En introduction, le formidable "Velocity Girl"
de Primal Scream, une bombe pop d’une minute et vingt-cinq secondes (!!!) qui est probablement sur cette Terre l'une des choses s'approchant le plus de la perfection. Dédié à Eddie Segwick, l’icône
new-yorkaise des sixties et ex d’Andy Warhol décédée trop jeune (28 ans). Et à l'autre bout, en piste 15, cinq minutes de guitares distordues d'un lyrique absolu - soit le bien nommé "Sensitive" par les londoniens de The Field Mice. Et entre les deux, des riffs et encore des riffs.
God save le Royaume-Uni.
La playlist (extraits, cliquez dessus pour accéder à l'intégrale sur Spotify)