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samedi 10 février 2024

Disque : The Vaccines - Pick-Up Full of Pink Carnations

 

Qu’est-ce qui fait qu’on finit par oublier un groupe ou le garde au chaud toute sa vie comme sa petite chose à soi ? Je n’ai pas de réponse convaincante à cette question. En 2011 les Vaccines étaient d’énièmes jeunes premiers du rock anglais : What do you expect from the Vaccines s’écoutait d’une traite comme une petite sucrerie punk-pop et il n’avait pas grand-chose à raconter sur cet album à part que c’était rock et diablement immédiat. "Norgaard" durait 1 minute et 38 secondes et ça suffisait amplement. "She's seventeen, so she's probably not ready, A, M, A, N, D, A", la la la... Ces gars-là savaient y faire.

Et puis quoi ? Le processus de délitement classique des jeunes premiers : un second album avec toujours un peu de niaque mais sans le mérite de l’originalité, forcément… Il n'y a jamais de second premier. Et un troisième, un quatrième, et cetera. Quelques tubes nonobstant. "I Always Knew" (2012) était encore apte à électriser les foules pop-rock, un peu gueulard et pourtant émotif comme toutes les bonnes chansons des quatre beaux gosses londoniens, "Handsome" (2015) aussi. Quasiment pas écouté leur quatrième LP en revanche (2018), et franchement pas compris le sens du cinquième (2021). Plus de doute possible : les Vaccins étaient devenus des ringards.

Un groupe sans idées. Sans aspérités. Pas d’influence psyché, shoegaze, new wave, post-punk ou je ne sais quoi chez ces gars-là… Pas d’évolution, pas de mouvement. Sinon vers le bas. Une machine à produire des petits hits rock BCBG version vaguement canaille pour meubler séries Netflix et publicités pour blue jeans. Une IA ferait ça très bien. C’est déjà sans doute le cas.

Et puis accélération rapide to 2024, et ce constat inattendu, presqu’absurde : mais merde, je rêve ou est-ce que les Vaccins viennent de pondre leur meilleur album ? Exagéré peut-être, mais après une bonne dizaine d’écoutes je déclare le débat au moins ouvert. "Sometimes, I Swear", d’entrée, me met une claque monumentale. Frissons. Ce refrain en apesanteur, totalement euphorisant et en même temps complètement désespérant – « des fois, je vous jure, j’ai l’impression d’être un étranger partout où je mets les pieds » : c’est beau, c’est un peu con et ça me donne presque envie de chialer – c’est du très grand Vaccines cuvée 2011 et re-merde, ça fait plaisir de les revoir finalement… En 2011 tout était tellement plus simple et pur.

Le reste du LP ne déçoit pas. Hit, hit, re-hit. "Love to Walk Away" fait 2 minutes et 7 secondes, et "Sunkissed" est aussi lumineuse et radicalement primaire que son titre indécent le suggère. C'est simple, c'est basique, c'est conçu et développé en laboratoire pour être écouté en repeat et en repeat encore, et dans le casque en promenade de préférence. Essayez, je vous promets que que vous aurez envie d’embrasser tous les trottoirs gris de Paris. Ou de Montluçon.

Et surtout, parce qu’il faut tout de même théoriser un peu, c’est l’occasion de réaliser, enfin, que les Vaccines ont bien un petit truc à eux. Voire même quelques petits. Que ces quatre grands garçons ne sont pas juste des clones.

Ce que j'ai noté :

  • Un sens du refrain absolument ébouriffant. Il n’y a rien de plus bêta que de faire des couplets-refrains couplets-refrains a priori, et pourtant 1000 ans après les Scarabées ça marche encore… Chez les Vaccines, en particulier, le refrain est je crois une chose étrange qui conjugue joliesse mélodique pleine et entière et mélancolie extrême, comme la vie. Une espèce de suicide heureux, dans la force de l’âge. Un pied de nez.
  • Justin Young ne serait-il pas tout simplement un des meilleurs chanteurs rock du monde en réalité ? Le fait était là depuis des années, caché. Car oui, tous ces enchainements couplet-refrains propres et parfaits c’est en très grande partie grâce à ce monsieur : écoutez-le, cette façon qu’il a toujours de démarrer dans le grave et le doucereux avant d’exploser dans les aigus et de nous avouer que tout est foutu à chaque refrain… C’est une drogue. A l’heure qu’il est je me vautre dedans, à la seringue.
  • Quand ils en ont envie, ces quatre types savent quand même écrire des petites mélodies pop catchy à la pelle. 10 titres dans cet album, et pas un qui ne donne pas envie de sourire et de se réconcilier avec toutes les enflures de la Terre. Est-ce que tout cela a tendance à un peu se ressembler toutefois ? Oui, peut-être. So what ?

Si vous vous attendiez à de la musique expérimentale, c’est que vous n’avez rien compris aux Vaccines. Dancez. Chantez. Fredonnez. Laissez Justin Young vous balader.

Sometimes, I swear, it feels like I don't belong anywhere...



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