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Au Point Ephémère, le 12 mars 2024
S’il fallait décerner le prix du frontman qui la ramène le moins, Adam Houghton ne serait sûrement pas loin de la statuette. Sourire proscrit, bouille de hooligan renfrogné, regard toujours fixé quelque part au-dessus de la foule, le vocaliste et guitariste des Mancuniens de IST IST ne cherche pas la théâtralité, c’est un euphémisme, et va même jusqu’à déléguer le small talk à son compère de la gauche (Andy Keating, basse), qui se charge des quelques rituels « Thank you Paris you’ve been great ». Pendant ce temps-là Adam tourne la page de sa setlist et se tient prêt pour la suivante. Pas venu là pour plaisanter.
Problématique ? Non, pas vraiment. IST IST, dans la plus pure tradition post-punk de Manchester, est un groupe au son tellement dense et glaçant, et d'une certaine beauté primaire, que toute tentative de trivialisation paraitrait un peu déplacée… Il n’y a qu’à écouter « Stamp You Out », le grand single de leur tout aussi dense troisième album (Protagonists), joué quasiment d’entrée hier : grosse ligne de basse bien épaisse en intro, puis irruption de la batterie et d’Adam Houghton au micro, qui n’est peut-être pas le plus grand blagueur du Royaume-Uni mais a une voix objectivement assez unique, grave et caverneuse comme un grognement d’ours. Avec lui tout sonne comme une déclaration de guerre ou de suicide, sèche et rédhibitoire.
« We've been looking for you, nous avertit-il, we know who you are… we know who your friends are, our intention is to stamp – you – out. » Ouch. Ajoutez à ça quelques riffs de guitare tout aussi secs et glaçants à la Joy Division (forcément…) et allez dormir après ça. Bon courage.
Sur scène que du noir et encore du noir par ailleurs – jeans et t-shirts, vestes et grosse caisse, seule la guitare blanche d’Adam apportant un léger, très léger contrepoint. Simplicité, sobriété. Les quatre Mancuniens enchainent là-dessus sur d’autres titres du même acabit, notamment le très percutant et goth-friendly « Night’s Arms » (ci-dessous, extrait de leur premier album Architecture, 2020) avec ses quelques incantations suspendues entre deux agressions de guitares. « In the evenings, as a lie awake… » sermonne Adam Houghton. Cet homme ne doit pas beaucoup dormir.
Un cocktail musical assez simple mais efficace donc, qui a déjà largement séduit au Nord de l’Angleterre où le quatuor serait parait-il une petite légende sur la scène rock de Manchester qui en a pourtant vu d’autres, la faute à des pelletées de concerts tapageurs comme ce soir et à une volonté ferme de ne pas céder aux sirènes des majors et des relations presse. Bref un vrai groupe de live, indubitablement, qui n’a en outre rien d’une simple bande de brutes et troque parfois les gros riffs de guitare contre une petite ligne de synthé typiquement mancunienne là encore, mais toujours dans des teintes sombres et un peu inquiétantes… Suivez mon regard là encore. Ces gars-là portent avec eux toute une certaine histoire, et ils le font avec sérieux. Des pros.
Globalement homogène, la soirée se conclura sur une jolie petite orgie de guitares jouées très très fort, mais totalement maîtrisée. IST IST n’est pas un groupe qui laisse grand-chose au hasard, et n’y croit sans doute pas beaucoup non plus… Tout est déterminé ici-bas, à commencer par la fin. Manchester, hiver 1980.
Si vous vouliez un peu de liberté et d’espérance il fallait sonner à côté.
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