Crédit : Maximilian Probst |
Leslie Feist, ou simplement Feist, l’artiste solo indie-pop canadienne la plus populaire des années 2004-2007, sera de retour dans les bacs le 14 avril avec l’album Multitudes, six ans après la sortie de son dernier opus – le très dépouillé et néanmoins foisonnant Pleasure. Quatre singles sont déjà sortis en préambule, dont le dernier en date, "Borrow Trouble", un petit trésor de baroque pop légèrement dissonante comme elle sait si bien le faire.
Le clip ci-dessous, dans lequel Feist se démultiplie de façon très psychédélique, et un peu perturbante, traduit bien ce que nous raconte Leslie dans les lyrics : notre esprit est notre meilleur ennemi, et nous conduit invariablement à notre perte. A force de penser nous finissons toujours par tout repeindre en noir nous dit-elle, et ce n'est pas bien constructif (« it's a poor skill to get so good at, making wrong what is all right »). Tout cela agrémenté d’un petit saxophone bien strident.
Plus globalement, cet album est plus que jamais, de l’aveu même de son autrice, l’album de la maturité, ou en tout cas d’une certaine confirmation de l’installation dans l’âge adulte, que Leslie Feist a touché du doigt ces dernières années avec la récente naissance de sa première fille et la mort de son père. Voici ce qu’elle en dit (interview pour Variety) :
« Entre la mort de mon père et l’arrivée de ma fille, c’était une période assez éprouvante, et une sorte de passage vers l’âge adulte qui s’est cristallisé en très peu de temps, quelque chose d’assez chirurgical… J’avais déjà connu le fameux passage de la trentaine, ce moment où tu te dis « et voilà, je suis une adulte maintenant », mais là c’était plutôt l’ambiance « da-da… da-da… » comme dans les Dents de mer… Tout à coup, tout ce que tu vis est quelque part contaminé par la peur, le poids de la responsabilité, la frustration, et plus globalement l’oubli total de l’idée de soi. C’était deux ans de chaos assez complet. »
Née en Nouvelle-Écosse, élevée à Calgary puis montée à Toronto pour vivre de la musique, Feist s’est d’abord révélée comme vocaliste dans le méga-groupe Broken Social Scene (album You Forgot It In People) – avec lequel elle collabore toujours épisodiquement – avant d’accéder à la reconnaissance mainstream avec son second album (Let It Die, 2004), et notamment la petite perle pop Mushaboom. Succès confirmé en 2007 avec l’album Reminder, dont le single 1234 sera un hit encore plus massif. Vous le connaissez sans doute.
Ne comptant pas répéter éternellement les même singles plaisants toute sa vie, elle se réorientera ensuite vers des tonalités plus recherchées, et moins immédiatement pop : d’abord avec l’album Metals en 2011, assez bluesy et un peu hanté, puis Pleasure en 2017, composé de 11 titres tous enregistrés en une seule prise – une rareté dans la musique d’aujourd’hui. Exercice tout à fait réussi, avec par exemple l’excellent Any Party (un blues/folk mi-entraînant mi-traînant) ou la longue et changeante ballade Baby Be Simple où sa voix toute fluette en apparence semble prête à se briser mais reste là, toujours sur un fil. Une voix très particulière et aisément reconnaissable dans le paysage pop contemporain, qu’elle a d'ailleurs endommagé dans ses jeunes années, et qui vaut bien 2 ou 3 instruments à disposition en studio. On peut également écouter I’m Not Running Away (même album) pour s’en convaincre.
Au rayon des collaborations enfin, Feist a logiquement
travaillé avec pas mal d’artistes canadiens plus ou moins célèbres (Broken
Social Scene donc, Chilly Gonzales, Peaches), mais pour ma part je retiens
surtout ses 4 duos avec les Kings of Convenience – un groupe de folk norvégien
très sobre pour lequel j’ai beaucoup de tendresse. En 2004 d’abord (2 titres
dans l’album Riot on an Empty Street),
puis en 2021 dans le dernier opus des rois du slow-folk (Peace or Love) : Catholic Country, en duo avec Eirik
Glambek Bøe, est une pure beauté.
Deux petits extraits pour célébrer cette union parfaite :
- Un charmante répétition à trois captée à Berlin en 2018, dans les
coulisses du People Festival : Feist y est absolument divine, au chant comme à la guitare. Chanson non identifiée (peut-être dans l'album à venir).
- Live des Kings of Convenience au Bataclan en 2009 ("Know How"). Feist - qui vivait alors à Paris, où elle a enregistré Reminder - arrive en cours de route et tire là encore un peu la couverture à elle, il faut bien le dire. On ne lui en veut pas trop.
Info concert pour finir : Feist n'a pas annoncé de tournée européenne pour l'heure, mais cela viendra j'en suis sûr. Stay tuned.
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