En trois épisodes de deux heures et demi, Peter Jackson (Le Seigneur des anneaux, King Kong) nous immerge dans la réalisation dantesque, captée en vidéo, du dernier album des Beatles (Let it be), ainsi que dans leur dernière performance live. Une plongée, certes (très) contrôlée mais ô combien instructive, dans l'histoire du rock. Rien que ça.
Get Back est l'une des plus grandes chansons des Beatles. Depuis quelques mois, c'est aussi l'un des plus formidables documentaires rock qu'il nous ait été donné de voir. En neuf heures de rush enregistrées par Michael Lindsay-Hogg au cœur de l'hiver 1969, divisés en trois épisodes, la mini-série de Peter Jackson offre tout simplement une immersion dans les derniers mois d'existence de l'un des plus grands groupes de l'histoire. Et c'est peu dire qu'elle est tendue, cette dernière ligne droite. Alors, oui, à une exception notable près dans le premier épisode, on ne voit pas les Fab Four s'écharper véritablement ou en venir aux mains. Les rencontres pivots, hors studios, pour faire revenir Georges Harrison un temps sur le départ (définitif), notamment, sont évoquées par un texte et une photo lapidaires. Et les intéressés n'ont pas hésité non plus à demander d'éteindre les caméras lorsque les sujets qui fâchent se faisaient jour...
Il n'empêche, et c'est ce qui fait aussi le sel de Get back - le documentaire cette fois - on sent affleurer les désaccords, les incompréhensions, les frustrations, parfois clairement exprimées d'ailleurs. Entre un Paul Mc Cartney qui s'efforce de faire avancer le groupe pour qu'il produise suffisamment de chansons dans le cadre de leur nouvel album et un George Harrison qui avoue à John Lennon son désir de faire un album solo et qui, de toute évidence, est moins à l'aise ou heureux que ses comparses, le fossé est palpable. On peut aussi citer l'épisode de la rencontre avec Allen Klein (qu'on ne voit pas) afin qu'il devienne le nouveau manager des Beatles. On voit Lennon en parler avec Harrison mais Mc Cartney n'est pas là (était-il déjà au courant ou alors mis de côté?). Bref, on est bien loin de l'harmonie des chansons et clairement, le ver est déjà bien dans le fruit (et on n'a même pas parler de la présence permanente de Yoko Ono auprès de son cher et tendre). Cependant, il faudra attendre avril 1970 pour voir la dissolution être officiellement actée.
Ce qui est aussi fascinant, en lien avec ces problèmes relationnels forcément, c'est de voir le groupe tâtonner sur ce qu'il souhaite faire. Partant au départ sur une émission TV dans les Twickenham Films Studios et un concert à l'étranger, ils se rabattent finalement sur l'accomplissement d'un album chez Apple Corps, leur "maison", et sur un concert improvisé sur le toit de ce studio. Concert-événement historique, puisque le dernier des Beatles, qui a failli ne pas se tenir et qui n'a pu aller à son terme, du fait de l'opiniâtreté de l'agent de police Ray Shayler, pas du tout amadoué par l'esbroufe déployée par les membres de l'équipe. Ce qui donne lieu d'ailleurs à des scènes très drôles. La mine réjouie de Paul Mc Cartney sur le toit, quand il se retourne et voit l'officier, rappelle qu'on a aussi affaire à de grands enfants.
Et la musique dans tout ça, alors? Eh bien, elle est fantastique. Sublime même. Mc Cartney le reconnaît lui-même, le groupe n'a jamais été aussi bon. Les voir concevoir et enregistrer les chefs-d'œuvre Get back, Don't let me down, Dig a pony, The long and winding road, Across the universe... Fichtre! La collection est hors concours. La complicité musicale de Lennon et Mc Cartney crève (encore) l'écran et même en s'amusant, en reprenant des standards du rock, ils prouvent toute leur maestria. Invité en cours d'enregistrement par Harrison, le claviériste Billy Preston apporte fraîcheur et talent. Et au-delà de la dimension mythique conférée par son sujet, Get back est aussi une magnifique porte d'entrée sur la création musicale. De quoi y revenir sans cesse...
'Get Back', disponible sur Disney+.
Et pour la route, même si la chanson est à peine jouée dans le documentaire, le merveilleux titre Something, courtesy of ce bon vieux George.
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