The Chameleons, Cabaret Sauvage (photo personnelle) |
Paris, le 20 septembre 2024
Les années passent et le culte grandit. Double affiche mythique au Cabaret Sauvage ce vendredi soir : The Wedding Present et The Chameleons tournent ensemble en cette rentrée, trente années et quelques après leurs débuts fracassants dans les 80’s britanniques. Signal donné : tous les indie kids des années new wave et indie-pop se sont donné rendez-vous sur les bords du canal Saint-Martin, les tempes un peu grisonnantes mais l’âme toujours vaillante… La nostalgie déborde de partout dans le chapiteau, et les t-shirts sont de sortie. Joy Division est là, toujours là.
Une nostalgie qui a gommé les années et les genres semble-t-il : car The Wedding Present et les Chameleons sont deux groupes britanniques vaguement similaires à première vue (mots clé : années 80, indie, nord de l’Angleterre, séparés il y a longtemps puis reformés, line-up bouleversée) mais n’ont pas grand-chose à voir dans le fond – post-punk mélodramatique et très produit d’un côté (Chameleons), indie pop super espiège et foutraque de l’autre (Wedding Present), sans grande considération pour la balance sonore ou l’intelligibilité des choses. David Gedge et ses potes (TWP) joueront ainsi dans 4 mètres carrés ce soir, quasi collés les uns aux autres dans une petite boule d’énergie pop et punk extrêmement jouissive… (exemple sur "Kennedy"). Chaleureux.
Toute autre scénographie pour les Chameleons, 15 minutes plus tard : distance entre les membres et large espace vital au centre pour Mark Burgess, qui va peut-être boire une bière avec David Gedge à l’occasion mais ne fait rien comme lui sur scène : là où le premier distille les bons petits mots puis préfère écraser les cordes de sa guitare que s’éterniser au micro, le second n’a rien perdu de son âme de post-punk kid torturé des années post-Ian Curtis à Manchester… Gilet noir arty clinquant et torse nu il donne son corps à la science dès l’intro du live, suant des litres entiers tout durant et apostrophant constamment la foule dans des gestes grandioses, autant destinées à appuyer les propos de ses compos très « existentialisme sartrien » que de simplement s’offrir au public venu là pour religieusement revivre le frisson de ses jeunes années… Ça fonctionne.
Dès l’entame une partie de la foule semble en extase, rajeunie
de 40 ans. Sommets d’émotion attendus avec "Swamp Thing" et son riff / cri
de désespoir toujours à se damner (so loooooong…) ou "Soul In Isolation"
étiré sur 12 bonnes minutes ce soir, avec une courte version punk de
"Eleanor Rigby" au mi-temps – ah look at all the lonely people…
Sarte encore. Le show se finira sur "Don’t Fall", la guitare basse de Mark
Burgess abandonnée à un autre et son corps en souffrance tout tendu vers la
foule. Emois de ce côté-ci. La musique s’éteint mais Mark reste quelques
secondes, touche des mains. Fait même l’accolade à un monsieur, transporté par
l’instant. Soirée mystique sous le grand chapiteau. Oh oh oh oh...
Programme différent avec David Gedge et ses musiciens : après deux morceaux récents, plutôt excellents, ils entament comme prévu l’intégralité de leur classique Bizarro (1989) dans l’ordre original, de "Brassneck" à "Be Honest". Pas de surprise donc mais le charme austère de ces compos opère toujours 35 ans après, régulièrement sublimé dans une orgie de guitares bien distordues – longs murs sonores de deux à trois minutes, sans fioritures. David Gedge prononce quelques mots au micro, souvent malins, puis se recule et laisse parler la poudre avec ses musiciens. Ça joue fort et vite, très vite ! mais la mélodie est toujours là au centre de tout, bien qu’un peu masquée et détournée par des tonnes de petits riffs rageurs. On appelait ça l’indie-pop il y a quelques années (mot clé : C86) et l’appellation laisse maintenant songeur… Pop peut-être mais ascendance punk.
Un homme était heureux ce soir en tout cas : à ma droite un instant, après le show du Wedding Present (« Cadeau de mariage » en VF, blague obligatoire faite quelques minutes plus tôt), il tentait désespérément d’attirer l’attention d’un roadie pour faire signer son vinyle remastérisé de Bizarro par David Gedge… Ce fut fait. Ah quelle soirée conclut-il, parce que vous savez qui sont mes deux groupes préférés ? Oui, The Wedding Present et The Chameleons ! Alors quand il avait vu l’affiche… Quelle soirée vraiment.
Faut-il le croire ? Peut-être. Peut-être pas. Le temps érode les distances et s'affranchit des styles en tout cas. Ne subsiste que la bonne musique et ceux qui la portent toujours sur les routes, en conscience. Merci à eux.
Plus de vidéos de la soirée sur ma chaine YouTube
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