La Cigale, 10 octobre 2024, 21h20 : le gig des Vaccines a commencé depuis 20 minutes à peine mais les garçons ont déjà envoyé 2 ou 3 hits inénarrables dont le très express "Wrecking’ Bar" (ra ra ra) et Justin Young croisé le regard ou pointé du doigt la moitié du public avec sa belle chemise blanche toute propre, balcon compris. Le dit public qui lui le rend bien : combien de temps à taper dans les mains pour faire monter la pression avant le refrain ce soir ? Quelle excitation.
Les Vaccines – 4 garçons plus un accompagnant en tournée – sont un drôle de groupe : débarqués comme des furies dans le paysage rock en 2011, la brièveté de leurs premiers tubes et la netteté imparable mais brute des guitares aurait presque pu faire croire à un mini revival punk, sauce très pop certes, et pourtant Justin Young et ses amis sont à des années lumières de cela… Il faut les voir sur scène. 1 mètre 90 en moyenne, tignasses fournies mais polies, gueules de mannequin un peu débraillées made in West London, les Vaccines sont tout sauf des petits gamins turbulents et prolo de l’Est londonien… A bit posh plutôt même, disaient certains. Whatever, dis-je moi.
Anyway ce qui est drôle avec les Vaccines, justement, c’est qu’ils sont drôles. Leur rock est un condensé de revival des années 2010 et de power-pop des années 1960/70, absolument étranger à l’idée que l’indie-rock – genre auquel on les rattache encore faute d’autre idée – devrait être un truc un peu obscur réservé aux happy few hantant Twitter et les subs de Reddit. Que nenni. Avec les Vaccines c’est tube, tube, tube et re tube, et quant à Justin Young au micro… Il faut en parler de Justin Young.
Justin Young sur scène, c’est à peu près l’anti-punk : l’homme sourit, remue, ne cesse d’aller et venir à droite, à gauche, au plus près de la fosse et de son public, de serrer le poing, de fermer les yeux… Et quand vient le temps du refrain, de mettre de grands coups de poing dans l’air ! Justin Young c’est un peu Elvis, Mohammed Ali et Mick Jagger réunis dans un seul corps, c’est les années 60 jamais parties et ressuscitées chaque soir dans son look simple mais incongru : Converse blanches au pied, pantalon noir très droit et chemise blanche en soie (je crois) légèrement retroussée, look anti-rock au possible qui convoque l’image d’un vieux chanteur de country US un peu passé qui ferait une tournée des casinos de seconde zone dans le Midwest des années 70 ou 80… Mais qui retournerait toujours le public à chaque refrain ! Une expérience en soi.
Il fallait être à la Cigale au premier rappel ce soir, quand le synthé a démarré pour lancer "Sometimes, I Swear", la petite bombinette pop ouvrant leur dernier album : cette intro toute mignonne avec son petit riff country-rock en fond, très US, très long roadtrip planant sur les highways, laissant pour une minute toute liberté à Justin Young de prendre à témoin toute la salle sur chaque phrase, chaque mot en bon cabotin qu’il est – ah, ce petit geste des doigts sur « but i start to feel small… » – avant de se mettre en retrait quelques secondes puis de replonger subitement dedans comme un boxeur, buste tourné vers la fosse, le genou presque plié et le poing serré pour le grand cri du cœur du chorus… Sometimes !! I swear !! It feels like i don’t belong anywhere… Toute la salle hurle avec lui. Le plancher vibre, les bras se lèvent. Tout cela est un peu régressif et pas très indie mais qu’importe.
Phénomène identique, ou presque, sur "Wetsuit", "All In White" ou "Headphones Baby". Parfois, comme sur "If You Wanna", troisième single de leur ultra populaire premier LP (What Did You Expect from the Vaccines?), Justin Young se saisit d’une guitare et rappelle à la salle que les Vaccines furent, d’abord et avant tout, un groupe de rock, et diablement efficace s’il en est. Ils vous bricolaient un tube d’une minute trente, et basta. Et puis leur penchant pop a pris le dessus, pourrait-on dire. Ou pas ?
Car au fond, que sont vraiment les Vaccines ? Un groupe de rock ou de pop ? Mainstream ou indie ? Et quelle place pour des mecs pareils en 2024 avec leurs gueules de boomers des sixties ? Jeunes premiers pour la vie ou jeunes vieux promis à un revival sans fin ? Et peut-on vraiment porter une chemise blanche impeccablement repassée et rentrée dans le monde du rock, monsieur Young ? Etes-vous vraiment jeune d'ailleurs, ou avez-vous 80 ans passés à l’intérieur ? Et cette façon d’apostropher le public en permanence, d’un coup d’œil ou d’un geste du doigt ? Ça ne serait pas un peu ringard ? Ou au moins excessif ? Beaucoup de questions sans réponse hélas, mais à quoi d’autre pouvait-on s’attendre avec les Vaccines ?...
Ces gars-là ne savent faire que des refrains.
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