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mardi 1 octobre 2024

Camera Obscura in Paris : retour de flamme

 

Camera Obscura à Paris, le 30/09/2024 (photo personnelle)

A la Maroquinerie, le 30 septembre 2024

Plaisir de la musique, plaisir de la pop, plaisir de résister à la fatigue et lassitude d’un lundi soir parisien bien pluvieux et bien gris et de volontairement sortir malgré tout, prendre son petit vélo et d’aller faire la queue sur un trottoir trente minutes puis d’aller s’enfermer pendant trois heures première partie comprise dans une petite salle obscure au sous-sol sans fenêtres pour goûter un peu au sel de la vie, le live, et ressortir finalement de là un peu content, un peu aux anges… C’est l’effet Camera Obscura.

Plaisir d’autant plus grand qu’on ne pensait plus trop revoir la petite bande de Glasgow sur scène, honnêtement, 10 ans déjà après leur dernier album (Desire Lines, 2013), passé un peu inaperçu à l’époque me semble-t-il, et surtout après la mort tragique de leur claviériste et choriste historique, Carey Lander, emportée par un vilain cancer en 2015… Le projet Camera Obscura semblait s’être mis en pause ensuite, puis éteint. C’eut été dommage mais compréhensible.

Et puis en fin d’année dernière, annonce d’une nouvelle tournée, d’un nouvel album… Look to the East, Look to the West, sorti en mai dernier, avec notamment deux très jolis singles, "Liberty Print" et "We’re Going to Make It in a Man’s World" (tous deux joués ce soir). Et d’une nouvelle amie dans la bande, Donna Maciocia, chargée de la difficile tâche de reprendre le siège vide aux claviers (et aux chœurs). Pas de soucis de ce côté.

Arrivés à l’heure et à six (un poste percussions/trompette en plus du quintet classique), Tracyanne Campbell et ses afidés démarrent fort avec l’entêtant "Liberty Print" déjà cité puis, déjà (!), le petit monument pop "Let’s Get Out of This Country" (2006), issu de l’album du même nom et parfait exemple de la pop joliment mélancolique mais pas léthargique pour autant que propose Camera Obscura depuis les années 2000, alliant mélodies simples mais craquantes, lyrics un peu tristounes (Lloyd, je suis prête à me faire briser le cœur…) et nombreux petits riffs jangle soignés et irruptions de synthé / violon / trompette pour se donner un peu de baume au cœur tout de même… Une fanfare intimiste.

La soirée est donc lancée et la foule, bien compacte ce soir dans l’amphi de la Maroquinerie, conquise d’entrée : ça chante, ça remue la tête, ça applaudit et acclame à chaque début de morceau. Plus de doutes possibles, c’est bien un groupe culte qui est là ce soir, culte certes confidentiel mais non moins vivant dans le cœur de quelques grappes de Franciliens venus là pour fêter le retour des petits cousins de de Belle and Sebastian et des dizaines d’autres groupes mineurs indispensables de la métropole de Glasgow, d’autant plus indispensables qu’ils sont désespérément inconnus du plus grand nombre… Éternelle névrose de l’indie boy ou girl.

 

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Un set très pro par ailleurs, avec une balance sonore impeccable, qui réhausse juste ce qu’il faut leur compos originelles, un peu plus sages sur album, leur donnant globalement une touche légèrement plus rock – ou plutôt country-rock – mais sans jamais dénaturer le tout sous un orage de guitares réglées à 150 décibels comme on l’entend parfois… La force de l’expérience là encore. Kenny McKeeve est excellent à la guitare lead justement, plus en finesse qu’en force, tout comme son acolyte à la basse, nécessaire à l’équilibre général mais un peu caché en bout de scène hélas – la Maroquinerie n’est pas l’Olympia. Quant au chant, assurance qualité aussi : Tracyanne Campbell n’a rien perdu de sa petite voix claire et faussement angélique  et toujours juste  et réchauffe la salle refrain après refrain, complainte pop après complainte pop… Quelques woo-oohs, quelques you-ouh. Plus la guitare rythmique, les maracas, et une petite anecdote à mi-parcours s'il vous plait ! Une histoire de virée un peu alcoolisée dans Paris il y a quelques années en l’occurrence, et un petit carnet perdu avec ses plus beaux lyrics (puis retrouvé). La salle adore of course.

Idem pour la setlist, largement fan friendly : cinq morceaux de leurs deux albums cultes (Lets’ Get Out et My Maudlin Career, 2006 et 2009) seront offerts au public ce soir, constituant le cœur du set avec leur dernier LP (4 titres aussi). Le dyptique de ballades imparables "French Navy" / "Lloyd I’m Ready to be Heartbroken" fait notamment chavirer de joie les fans à la fin, avant de revisiter leur tout premier album en rappel avec le très twee "Eigties Fan". Et de conclure en apothéose avec le (presque) épique "Razzle Dazzle Rose", autre sommet de pop à trompettes / jangle-pop légère qui rendrait mélancolique et contemplatif n’importe qui… mais qui s’achève par un déluge de guitares de Tracyanne et Kenny ! Donna Maciocia sourit de l’affront, et nous aussi.  

Seule déception peut-être : nous n’aurons pas ce soir "I Need All the Friends I Can Get", une autre ballade ultra-mignonne de Let’s Get Out, et qui paraissait pourtant on ne peut plus appropriée avec ses claquements de main à la Belle et Sébastien (nous en aurons eu quelques-uns ce soir) et son message si fan-friendly lui aussi…

"You can't see that you're just the same, as all the stupid people you hate… I'm not saying I'm free from blame, because I need all the friends I can get…"

Car oui, ce soir Camera Obscura n’avait que des amis à la Maroquinerie. Ou des cœurs à prendre depuis longtemps.

 


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