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jeudi 14 novembre 2024

Fontaines D.C. au Zénith : des jeunes gens pressés

 

Grian Chatten (Paris, 13/11/2024)

Rideau blanc sur Fontaines D.C. hier au Zénith : il est 21h passées et le live débute soudain avec "Romance" (intro de leur dernier LP du même nom) mais le cinq majeur dublinois reste caché derrière une immense bâche blanche signe d’ésotérisme ou d’emballage marketing, faites votre choix… Cinq ans après leur arrivée fracassante sur la scène indie (album Dogrel) Fontaines D.C. est déjà un très gros machin, légèrement rustre (étudié) et séduisant à la fois, condensé ultra réussi de défiance hipster-punk et de sens marketing volontaire ou involontaire imparable – et au passage porte-drapeaux rock de plus en plus prédominants de leur petite île, l’Irlande. Pas de hasard. « I wanna be BIG… » tonnait Grian Chatten bravache dans l’ébouriffant single du même nom en 2019, ce qui nous parait être hier mais déjà très loin dans le temps finalement… C’est fait désormais.

Alors assagis les Fontaines di-ci ? A voir. Malgré l’euphorie régnante Grian Chatten ne pipera mot de la soirée en tout cas, restant concentré sur ses lyrics et son attitude absolument impeccable, l'animal : lunettes noires et tenue baggy assortie il commande la foule du bras, voire même du poignet - c'est le moment de vous exciter les gens, là, maintenant - et s'avance, recule, déboule soudain sur la scène droite devant nous, plie un genou et nous tend le bras, et repart... Il est au Zénith comme chez lui, comme partout. Buste droit, mic porté haut, comme à l'époque des grands MCs new-yorkais. Vous avez écouté "Starbuster" ? Voilà. Et puis le morceau se conclut et… silence. Esprit punk "no comment" ou professionnalisme ? Mystère. Le drapeau palestinien déployé sur la console synthé de Carlos O'Connell est là certes, rappel de l’engagement ancien du groupe sur le sujet (tradition irlandaise), mais pour davantage d’explications et de contexte il faudra se rendre sur les médias spécialisés. Ils ont de belles photos.

Fontaines D.C. en tant que groupe est un personnage, clairement, et ce personnage se tait. Il toise, déclame, fait brailler les guitares et s’en va. A vous d’analyser, de vous démerder.

Toute place est donnée aux tubes et à leur puissance propre dans ce relatif silence : l’entêtant "Jackie Down The Line" pour commencer, puis une ribambelle d’autres. Le public est extatique d’entrée, et lance joyeusement des mini-pogos et de très jolis stage dives à l’ancienne… Combien de jeunes personnes atterries dans le fossé avant d'être raccompagnées par la sécurité ce soir ? Une bonne vingtaine d’après nos calculs. Tout cela reste plutôt bon enfant de façon générale quoi qu’il en soit, avec une pyramide d’âge assez large pour que l’affaire ne vire pas à l’empoignade – et une mixité hommes-femmes largement respectée dans les premiers rangs, un fait pas si commun dans certains concerts rock old school, et la preuve que Fontaines D.C sait décidément capter tous les genres. Ambiance gentiment « punk » (mettez autant de guillemets que souhaité) donc mais sans excès.

Que dire pour le reste ? La perf est sans surprise d’un point de vue musical mais solide, définitivement professionnelle, et le son plutôt satisfaisant si l’on se protège les oreilles avec la matériel adéquat (assourdissant près de la scène). Jolie petite scénographie, aussi, avec l’iconique gros cœur de Romance derrière Grian et co, alternant du gris au rose bonbon selon les titres. Et le sigle Fontaines D.C. pendant au plafond bien sûr, avec sa petite police gothique si hype… Les garçons se sont comparés à U2 dans la presse spécialisée récemment et c’était pour rire on imagine mais l’idée n’est pas si démente… Ces gars-là trainent un petit cirque derrière eux à présent.

Et puis quelques grands moments de musique tout de même, en débutant par la fin : le monument post-punk "I Love You" joué en rappel sans fausses notes, dont le refrain scandé comme un « J’accuse » moderne par Grian vous donne toujours envie de chialer et lever le poing à la fois… Un des plus beaux textes du rock moderne, sans conteste. Avant d’enchainer par "Starbuster", l’extraordinaire premier single de Romance se baladant tranquillement entre hip-hop et baroque pop, sorte de deux hits en un. Fracas puis chair de poule. « Hit me for the day… » Grian nous colle là pour le final, un peu hébétés. Le plus gros concours de dives était pour "Boys In the Better Land" sinon (premier album), joué basse à fond pour une foule de jeunes adultes en délire. On n’ose imaginer le niveau sonore sans appareillage.

Rayon ballades on retiendra aussi l’ensorcelant "Roman Holiday" (baby come on, get stoned, get stoned…) et l’ultra-mignonne et très radio friendly "Favourite" extraite de leur dernier album, de facture moins classiquement post-punk dans l’ensemble et désormais ouvert à un peu tous les styles et vents en apparence contraire (pop, new wave etc.). Fontaines D.C. n’est pas une chose figée, qu’on se le dise. Cf. le passage au chant de Conor Curley (guitare) sur "Sundowner", justement jouée ce soir, avec Grian Chatten en guest star aux backing vocals et guitare sèche… Pas inintéressant, mais pas très prenant en live non plus. Difficile de se passer de Grian Chatten au micro quand on l’a à dispo. Une star totale, moderne, à l’ancienne, et l’identité fondamentale de ce groupe quand on y pense, sur scène comme en studio. Une voix, une présence, des textes. Un personnage.

Quelle est la limite pour Fontaines D.C. alors ? C’est à Grian de décider je dirais... Le prochain Bono peut-être ? Please no.

 

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