Crédit : Nicole Loucaides |
Fenne Lily (folk-rock, UK) vient de sortir un second single, "Dawncolored Horse", en prévision de son troisième album, Big Picture (sortie le 14 avril chez Dead Oceans). Inspiré d’un poème de l'écrivain américain Richard Brautigan (The Horse That Had a Flat Tire), cette jolie ballade aux accents country-rock est une ode au repli sur soi en période de pandémie (à deux), et à la possibilité (incertaine et éphémère) d’une relation saine.
"Dans son poème, Brautigan parle de la femme qu'il aime comme d'une "forteresse respirante" ["breathing castle"], explique-t-elle à ce sujet. Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, mais pour moi il évoque ce sentiment d'intimité absolue. Ce sentiment de connaître quelqu'un si bien, que vous avez presque de presque vivre à l'intérieur de lui... Ça peut être un peu claustrophobique, mais avant que ça devienne étouffant c'est magnifique."
Fenne Lilly excelle dans cette petite déclaration avec sa voix toujours un peu cassée,
entre fragilité et affirmation. "And it's alright..." chante-t-elle finalement en guise de réconfort, et on est tenté de la croire.
Elle désormais aux États-Unis (New York), où cet album a été enregistré.
Native de Dorset (Royaume-Uni), longtemps domiciliée à Bristol (encore une), Fenne Lily a sorti un album remarquable en 2020 (Breach, son deuxième personnel), où elle ajoute à son style folk/voix originel une bonne dose de guitares électriques un peu rêches – un travail supervisé par Steve Albini, le grand producteur rock US ayant notamment assisté Nirvana, PJ Harvey ou les Pixies. Le mix est appréciable.
Partiellement écrit à Berlin pendant une petite équipée
solitaire assez incongrue (cf. plus bas), cet album dévoile par
ailleurs l’humour assez mordant de son autrice, n’épargnant ni elle ni ses
semblables, souvent masculins, patte bien visible par certains titres comme « I Used to Hate My Body but Now I Just Hate
You » ou le très caustique « I,
Nietzsche », récit d’un ancien boyfriend un peu snob parlant de lui et
Nietzsche comme d'une seule entité, et préférant en définitive s’adonner à la
lecture du grand philosophe allemand seul le soir que de consommer sa relation
avec Fenne. Deutschland über alles, n'est-ce-pas.
Autre temps fort de cet album, toujours germanisant, la jolie ballade "Berlin", dédiée à l'iconique cité est-allemande où Fenne Lily a eu elle aussi sa petite épiphanie, 40 ans après David Bowie et Iggy. « It’s not hard to be alone anymore » répète-t-elle comme un mantra dans ce titre pendant que les guitares électriques montent en puissance derrière elle, histoire de se prouver que.
Elle s’en expliquait dans un très bon entretien à Atwood Magazine en
2020, révélant être partie vivre un mois seule à Berlin après être
rentrée d’une tournée, se sentant soudain un peu à l'étroit à la maison et voulant aller tâter la solitude dans un lieu étranger.
« J’étais restée seule à l’appart pendant plus d’un jour [une fois arrivée à Berlin] alors je me suis forcée à sortir, parce que je voulais me sentir un peu mise à l’épreuve et apprendre à me débrouiller seule. J’ai écrit « Berlin » ce soir-là, après avoir été au Berghain toute seule [une boite de Berlin, célèbre pour sa grande sélectivité à l’entrée et ses soirées électro débridées]. Je me disais « Voilà, je suis comme ça maintenant, je suis quelqu’un capable de sortir de ma zone de confort, bla bla bla. Je peux tout à fait aller seule dans un boite techno / sex club et passer un bon moment ». Bon, en fait, ça s’est passé comme j’imaginais que ça se passerait, c’est-à-dire que j’avais plutôt l’impression d’être un reporter en immersion spéciale, du genre Louie Theroux [reporter anglais très connu, sorte de Bernard de la Villardière un peu plus rock]… Je me sentais pas tellement dans mon élément. Et puis mon nez s’est mis à saigner et j’ai dû m'enfuir, mais en revenant à mon appartement je me disais « d’accord j’ai passé un moment de merde, mais c’était pas si difficile d’être toute seule. Je peux être ma propre amie. »
En voici une capitation live particulièrement réussie :
Info concert
: Fenne Lily sera en concert à Paris le 3 mai prochain (Point Éphémère, places sur DICE), et à Bruxelles le 24 avril (Ancienne Belgique, AB Club).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire