Suite de la littérature sur le rock à Manchester (cf. bio sur New Order)
John Robb - Manchester Music City (Rivages Rouges, 2010)
La bible indépassable pour tous ceux qui s'intéressent au rock, à la ville de Manchester et à l'étonnante fusion entre les deux. Écrite sous la forme d'une "histoire orale", de manière plus ou moins chronologique, elle met en scène et en ordre les centaines de
témoignages d'individus ayant vécu le mouvement de près (musiciens, fans,
DJs, managers, gérants de bars…), allant des années 60 (premiers groupes de « Merseybeat »)
à l’arrivée d’Oasis en 1994 (Definitely
Maybe), triomphe commercial mais chant du cygne d’une ville ayant sombré
dans les joies de l’ecstasy et de l'acid-house à la fin des 80’s – le fameux instant
« Madchester » et les nuits folles à la Haçienda – avec une immense
gueule de bois à la clé. Et quelque décès prématurés.
Innovations sonores, concerts mythiques, à moitié vides, créations de groupe, ruptures, reformations partielles, concepts esthétiques avant-gardistes géniaux ou foireux, esprit Factory et "Northern soul", tout est là, avec ses principaux acteurs : les Buzzcocks d’abord, parrains du punk puis post-punk mancunien, et ensuite dans l'ordre Joy Division, New Order, The Smiths, Happy Mondays, the Stone Roses, entre autres.
John Robb, écrivain et journaliste musical britannique, est lui-même musicien, ainsi que le fondateur du groupe post-punk The Membranes, relativement confidentiel. Il a connu toutes ces années.
En guise d’aperçu, pas de meilleure citation possible que les mots de JD Beauvallet himself (les Inrocks), fin connaisseur de Manchester et auteur de la préface de l’édition française :
« Je sors de la gare de Picadilly, traînant deux lourdes valises qui m’ont explosé les mains, en sang depuis le terminal ferry de Newhaven. Griffonnée sur un bout de papier usé par le voyage, l’adresse que j’ai trouvée, depuis ma chambre provinciale, comme point de chute (…) Whitworth Street est une des raisons pour lesquelles j’ai abandonné dès l’aube une vie sans doute plus calme et prospère : le label Factory y a ouvert, depuis un an, son propre club, The Haçienda. Chaque semaine, dans le New Musical Express que je reçois avec des semaines de retard, une publicité austère annonce les groupes guère plus joyeux que le club invite : exactement la musique que je diffuse dans mon émission de radio libre, précisément le son chaotique qui sert de BO adéquate à une adolescence confuse. Cette publicité est un appel aux armes, l’avis de mobilisation : le slogan, piqué à des situationnistes dont j’ignore tout encore, est répété comme un mantra sur les publicités : « The Haçienda must be built. » Et moi, je dois être là. »
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Et pour le teaser : deux morceaux typiques de la vague « Madchester », par deux groupes incontournables alors mais largement oubliés depuis (surtout de ce côté de la Manche).
The Stones Roses – Elephant Stone
Emmenés par lan Brown (vocals) – à qui Liam Gallagher d'Oasis a piqué à peu près tout, du style vocal à l'attitude sur scène –
les Stone Roses ont été le grand groupe anglais de la toute fin des années 80,
avec un immense album, The Stones Roses,
numéro 1 des charts en 1989. Rempli de hits instantanés comme I wanna be adored ou She
bangs the drums, ou l’improbable funk beat de 10 minutes Fools Gold, cet album est la parfaite
synthèse entre rock psychélique des années 60-70 et les rythmiques beat/house qui faisaient alors rage à l'Haçienda avant de conquérir le reste de l'Europe. Aux drums : Alan John Wren,
dit "Reni", sans doute un des meilleurs batteurs du monde alors.
Son jeu ultra-dynamique est bien mis en évidence dans ce single datant de 1986, produit par Peter Hook (New Order).
Happy Mondays – Kinky Afro
Encore plus psyché que les Stones Roses, tous toxicomanes au dernier degré, les Happy Mondays s’apparentaient
plus à un collectif de hooligans en vacances qu’à un groupe de rock. "Drug dealers first, musicians second" disaient d'eux leur manager. "Le plus grand poète anglais depuis Keats" disait Tony Wilson (directeur de Factory Records) à propos de leur leader, Shaun Ryder, lyriciste lunaire shooté 24 heures sur 24 et coiffé d'une splendide coupe au bol dans ses grandes années. Ont tout
de même sorti 4 albums, jusqu’au désastre final (le crack). Aisément reconnaissables par la présence
constante sur scène et en backstage de « Bez », un grand type maigre en short baggy
dont l’unique contribution était de danser comme un demeuré en pleine montée d’acide. Ont
fini par couler (en partie) le label Factory par leurs journées de studio
passées à ne rien faire (à part se droguer). Avant cela, ont enregistré
quelques albums de funk-rock psychédélique diablement foutraques où Shaun Ryder
déclame absolument n’importe quoi sur une rythmique très entraînante – dont le (presque)
classique Pills ‘n’ Thrills and
Bellyaches (1990). Mon choix va à Kinky Afro et son refrain n'ayant aucun sens apparent.
Et pour finir, un film qui résume très bien tout cela : 24 Hour Party People, de Michael Winterbottom. Raconté via le point de vue de Tony Wilson, fondateur de Factory Records (joué par le génial Steve Coogan), le film retrace de façon très pop et décousue la montée d'une scène rock made in Manchester, du légendaire premier concert des Sex Pistols dans une salle quasi-vide (1976) à la désintégration des Happy Mondays et de tout le label Factory avec lui. Pas toujours véridique à 100%, de l'aveu même des concepteurs et artistes consultés, mais extrêmement représentatif.
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