Impossible à cerner à la fois comme artiste et homme, David Bowie fait pourtant l'objet, dans A life de Dylan Jones, d'une biographie puissante et éclairante. Ou comment derrière la plongée sans filtre dans sa vie, jaillit le génie unique d'un simple banlieusard londonien.
Unique en son genre, David Bowie (1947-2016) l'est assurément. Résumer tout ce qu'il a été, tout ce qu'il a créé, tout ce qu'il a vécu en un livre, en un film est une tâche incommensurable, voire impossible. Et pourtant, Brett Morgen au cinéma, avec Moonage Daydream (2022), et Dylan Jones en littérature, avec A Life (2017), se sont attaqués à l'Everest. Pourquoi lier les deux projets? Car, tout en suivant un certain ordre chronologique, l'un comme l'autre ont décidé d'aborder l'astre Bowie par la multiplicité des images, des visages et des récits qui tournent autour de lui. Un astre, vraiment ? Plutôt une galaxie, illustrée dans le livre qui nous intéresse par les quelques 180 (!) entretiens qui ont nourri le travail du rédacteur en chef du magazine GQ.
La petite bande-annonce de Moonage Daydream qui va bien
Et lorsqu'on fait la liste des gens qui l'ont côtoyé et qui interviennent, on frôle l'apoplexie. De Mick Ronson à Franck Black (certes brièvement), de Brian Eno à Iggy Pop (trop brièvement là aussi), de Lou Reed à Arcade Fire - sans oublier John Lennon évidemment, c'est un véritable panthéon du rock qui s'offre au lecteur. Une liste, à laquelle il faut ajouter tous ces musiciens monstrueux (Earl Slick, Carlos Alomar, Mike Garson...), qui révèle quasiment à elle seule le génie absolu de Bowie. Tous les témoignages évoquant le créateur de Space Oddity en studio sont unanimes : l'artiste les estomaquait tous par la qualité et la fiabilité extraordinaires de sa voix, la fermeté de sa vision et sa capacité à tirer le meilleur de tous.
Il faut dire aussi que dans le sens inverse, il en a bien profité, le bougre. Souvent critiqué pour le fait de "copier" les autres artistes - demandez à Jagger ce qu'il en pense par exemple - ou de lâcher sans ménagement ses collaborateurs pour voguer vers de nouvelles aventures discographiques - hormis les Spiders from Mars, peu lui en ont tenu rigueur pourtant - l'homme Bowie n'était pas forcément le plus sympathique. C'est là l'un des grands mérite de A Life : montrer qu'un génie de la musique ou un artiste pouvaient être à ses heures perdues un sale con ou un connard méprisable, c'est selon. De même, ses addictions complètement déréglées à la coke ou au sexe qui, à notre époque, auraient pu le conduire en prison nous font penser qu'être David Bowie, ce n'était pas facile tous les jours. Quant aux épisodes sur sa famille, l'ouvrage vient apporter un éclairage intéressant sur la folie (inventée?) régnant dans sa famille.
Au final, cependant, tout ce qui relève de la vie privée de Bowie dans le livre s'efface derrière sa manière de vivre l'art en général. D'une époque à une autre, d'une identité à l'autre, les interventions de mister Jones (le sujet du livre, pas l'auteur) sont passionnantes à cet égard. Refus du compromis, intérêt constant pour les autres artistes, transmission auprès des plus jeunes générations : David Bowie n'a pas volé sa place dans l'Olympe du rock. Hormis Dylan dans les années 1960 - bien que fabuleux, les Beatles n'auront régné "six" ans - qui a défini une décennie (les années 1970, évidemment) par ses audaces musicales et visuelles constantes? Qui peut se targuer d'avoir enchaîné les chefs-d'oeuvre comme Hunky Dory, The Rise and Fall of Ziggy Stardust, Aladdin Sane, Station to Station, Low, Heroes, Lodger? Et vous savez ce qui est le plus fou? C'est qu'il en reste sûrement encore beaucoup à écrire...
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