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lundi 5 juin 2023

Vus en live : Alvvays (4/06/23)

Molly Rankin, source de lumière et d'indie-rock primaire

Paris, 4 juin 2023 : les premières chaleurs pré-estivales sont là et Alvvays se présente au Trabendo dans une ambiance assez étouffante avant même d’avoir mis le pied sur scène, contexte rapidement empoisonné encore davantage par l’énergie primaire, rock et pop à la fois de "Pharmacist", la petite bombe grunge-pop ouvrant le set (et leur dernier album, le mirifique Blue Rev). Molly Rankin, présentée ici au monde dans un t-shirt The Damned oversized absolument cool, note la chaleur ambiante (« it’s a steam… ») mais n’en laisse rien paraitre, démarrant fortement et entrainant tout de suite le quintet indie canadien derrière elle. La soirée s’annonce épuisante.

Elle le sera. Une heure et demie de hits et de délices rock, dans leur mélange habituel de grosses guitares saturées type shoegaze et de mélodisme pop, c’est le programme pour la troisième venue d’Alvvays en terre parisienne (dont une au Trabendo en 2018, déjà). Il est loin le temps, en 2014, où la bande à Molly avait fait irruption sur le devant de la scène indie presque par accident, par l’unique grâce du mini-hit "Archie Marry Me", hymne jangle-pop ultra efficace et notamment adoubé par Ben Gibbard (Death Cab In Cutie). Moins de 10 années plus tard, Alvvays est quasiment devenue une royalty de l’indie-rock : un groupe au succès commercial et à la notoriété toujours modérés, certes, mais ayant accumulé à peu près tous les titres honorifiques, tops 10 de l’année et music awards canadiens pour leur dernier opus.

C’est ce catalogue-là, seulement vieux de 3 albums mais déjà rempli de classiques et de fan favorites, qu’Alvvays balance donc à la face du Trabendo en ce dimanche soir atypique et fiévreux, et d’un public écrasé de sueur mais s’agitant sur quasiment tous les titres lui étant proposés sur la durée. Paroxysme atteint évidemment avec l'offrande au public de "Archie Marry Me", dans une version très rock et très forte assez jubilatoire, et particulièrement animée par le jeu de de Sheridan Riley à la batterie, s’éclatant de façon belle à voir derrière son kit et proposant régulièrement à ses compères des enchainements de snare/cymbales tout à fait décapants.

Une découverte ce soir d'ailleurs : avec son large sourire constamment greffé sur ses lèvres, et l’impression que madame est plongée dans une espèce de transe douce assez agréable, elle rayonne véritablement dans l’espace lui étant dévolu derrière Molly, plein centre. L’exact inverse d’Abbey Blackwell à la basse, en quelque sorte : l’autre Américaine du groupe, et dernière arrivée (2021), passe la majeure partie du set les yeux fermés ou mi-fermés, semblant aussi désireuse de se concentrer sur son instrument que d'échapper à la chaleur écrasante qui marque particulièrement sa face et ses tempes ruisselantes... Deux instruments, deux tempéraments, deux physiologies. C'est aussi cela un collectif.

Alec O’Hanley et Kerri MacLellan, les deux autres membres du noyau originel avec Molly Rankin, placés l’un à droite et l’autre à gauche de la Mère, affichent eux leur sérénité habituelle, surtout Alec, d’un calme absolument olympique tout du long, même en plein solo de guitare (très) électrique. Pas du genre à man-splainer visiblement, surtout depuis que le groupe est devenu quasi exclusivement féminin – ils étaient trois garçons pour deux filles à l’origine. Kerri, l’amie d’enfance de Molly depuis la Nouvelle-Écosse, et préposée aux claviers, y va elle de ses backings vocals occasionnels, et prend même brièvement le lead à la fin de "Dreams Tonight", la petite pépite dream-pop de leur second album (Antisocialites).

Et puis Molly Rankin évidemment, qui est à sa place habituelle : celle d’une meneuse et d’une presque star – une indie star a minima.

Vocals impeccables, jeu de guitare rythmique énergique, présence scénique indubitable, petits sourires à droite à gauche pour motiver le groupe, elle flotte sur ce concert et cette soirée comme l’incarnation d’une très ancienne certitude. Une rock star d’un genre nouveau, sans heurts ni bravade, facile dans l’effort. Elle est aimée en retour, mais sans excès. La foule sait se comporter. Un petit drôle se fait tout de même remarquer un instant, rappelant sa présence à on ne sait quel concert on ne sait quand. Oui, dit-elle, elle se souvient… « That’s indie rock for you » résume-t-elle finalement, laconique et synthétique. On a beau être le plus grand groupe du monde actuel (titre par moi décerné), on reconnaît encore le type un peu bizarre là-bas à gauche. La meilleure définition de cette étrange chose qu’est l’indie-rock, peut-être.

Côté setlist, ni surprises ni déception. On aura droit à une bonne partie de Blue Rev (que du plaisir à la clé, de "After The Earthquake" à "Belinsa Says", et même l’assez émouvant "Bored In Bristol", petite ballade low-key toute simple mais aux harmonies fantastiques). Always waiting, always waiting… chantonne mélancoliquement Molly dans une salle conquise depuis longtemps. Rajoutez quelques titres plus anciens ("Archie" on l’a déjà dit, ou le très sautillant "Next of Kin" dans le même album) et la recette est bonne. Pas de temps morts ni d’instants particuliers à signaler.

Professionnelles et rock à la fois, les nouvelles reines de l’indie-rock nord-américain battent finalement le rappel avec le très joli "Velveteen", petite tentative new-wave dotée d’une splendide montée vocale de Molly (I know that it can’t be meeeeeeee…..) puis clôturent dans la foulée sur "Lottery Noises", avec en ultime conclusion un énorme mur de guitares distordues très défoulant rappelant très clairement My Bloody Valentine, la grande référence de Molly Rankin et Alec O’Hanley, les deux compositeurs principaux du quintet – et couple à la ville (le gossip pour la fin).

Là-dessus Sheridan nous balance une dernière rafale de toms et de cymbales et la lumière s’éteint, hélas.Tout ça est passé extrêmement vite.

Qui ne révère pas encore ce groupe ?

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Quelques extraits 

"Pharmacist" en intro : deux minutes de rock bien vitaminé avec chœurs de toutes les filles + un joli et court solo d'Alec à la clé. Bonne déclaration programmatique.


"In Undertow" : second album, un titre plus synthé et pop mais tout aussi brillant.


"Not My Baby" : même album, une ballade déjà classique et très applaudie. Molly y fait des choses tout à fait intéressantes avec sa voix.


"Belinda Says" : hommage à Belinda Carlisle et un des nombreux sommets du dernier album. L'intro est proprement ébouriffante, puis ça ne redescend pas... Solo mémorable d'Alec pour conclure. 

 "Dreams Tonite" : et pour finir, en clin d’œil au destin, le titre qui m'a fait tomber amoureux d'Alvvays le premier (merci à l’algorithme de Youtube). La version enregistrée est dotée d'un joli clip vintage aussi si vous avez le temps.


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Prochain live : les grosses guitares rêveuses et réverbantes de The War on Drugs, le 23 juin.

 

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