Mark Linkous est mort, vive Mark Linkous! Le leader de Sparklehorse revient d'entre les morts par la grâce d'un album posthume inattendu et lumineux. Et nous rappelle tout ce que l'on a perdu avec son décès il y a 13 ans.
Oh le petit miracle que voilà! On va être franc, on ne s'y attendait pas. Et surtout, dès que l'on a pris connaissance de l'existence de la chose, on était forcément méfiant. L'entreprise, il est vrai, était périlleuse. D'une part, parce que les albums posthumes ont rarement marqué les mémoires et les oreilles. Ensuite, parce que l'on parle d'un des plus grands songwriters de son époque, Mark Linkous, le génial leader de Sparklehorse, qui s'est suicidé en mars 2010. 13 ans déjà! Un gouffre... Mais il faut croire que l'homme de la Virginie sait aussi ne pas faire comme les autres six pieds sous terre. Bird machine est tout sauf une réalisation sans âme ou à but lucratif - en même temps, et à notre grand regret, Sparklehorse n'a jamais affolé les charts. Fruit d'une volonté familiale, il sonne comme si son principal auteur était encore parmi nous. Et Dieu sait qu'on aurait encore besoin de ses chansons uniques, aujourd'hui.
Ainsi, merci semble être un mot trop faible pour rendre grâce au travail de la famille Linkous. Car ce qui frappe le plus avec ce disque sorti d'outre-tombe, c'est... son caractère lumineux. "Evening star supercharger" en est l'une des plus immédiates et touchantes illustrations. Il y a évidemment cette mélodie typiquement "sparklehorsienne" mais on ne peut s'empêcher d'y voir le résultat de la production assurée par Matt Linkous (le frère), Melissa Moore Linkous (sa femme) et Alan Weatherhead. Une production chaleureuse, fidèle aux précédents œuvres de Sparklehorse - qu'on délimite à quatre en quinze ans, ce qui est loin d'être frénétique. Elle rend fidèle aux dernières chansons délivrées par Mark Linkous, qui avait d'ailleurs grandement avancé sur un projet de nouvel album, notamment en compagnie du mythique producteur Steve Albini, avant de commettre l'irréparable. Et clairement, ça s'entend sur les quatorze morceaux rassemblés et dépoussiérés.
L'une des plus grandes réussites de Bird machine, aussi, c'est de nous faire ressentir d'être à nouveau en contact direct avec Mark Linkous. Sur les splendides "Falling down" ou "Daddy's gone", par exemple, qui n'auraient pas déparé sur le chef-d'oeuvre, le disque de la révélation Vivadixiesubmarinetranmissionplot (1995). Cette voix familière, fragile, sur le point de s'effondrer mais qui se rattrape toujours au dernier moment, elle nous avait manqué. Plus que jamais. Fantasme de fan ultime ou pas réalisé, le tout aussi génial Jason Lytle (le leader de Grandaddy) vient pousser la chansonnette en duo post-mortem sur "Everybody's gone to sleep" et "The Scull of Lucia" - deux autres merveilles à déguster sans modération. Linkous, Lytle, auxquels on peut ajouter Elliott Smith, Stephen Malkmus, Jeff Mangum, Daniel Johnston, Vic Chestnutt : durant les années 1990 aux Etats-Unis, les génies de l'indie-rock se bousculaient au portillon. Mais parmi ce bel aéropage, Mark Linkous n'en était pas le moins doué. Preuve brillamment apportée par ce Bird machine tombé du ciel.
Bonus: Il y a quelques jours de cela, une remarquable (hum, hum) chronique du dernier album de PJ Harvey est parue sur Indie rock in Paris. En trait-d'union, nous vous proposons donc de réécouter le duo entre la grande dame et Mark Linkous, intégré à l'album essentiel de Sparklehorse, It's a wonderful life. La chanson s'appelle Piano fire. Ne nous remerciez pas, c'est cadeau.
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