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dimanche 29 octobre 2023

Vue en live : Fazerdaze


Vendredi soir, Pop Up du Label, 21h27 : une petite centaine de fans ou de simples curieux invités par un pote sont massés dans une petite cave de briques et de broc reconvertie en salle de concerts indés – comprendre « destinée à accueillir des groupes sans grand moyen financier ». La preuve en est, Amelia Murray (dite Fazerdaze, Néo-Zélandaise de naissance et de cœur) fend très tranquillement la foule qui l’attend avec impatience mais sans excès trois minutes plus tard, pas tant par besoin de sentir son public mais parce qu’il n’y pas d'entrée artiste ici, tout simplement. Elle est seule, bien évidemment. Pas de groupe, pas de roadie.

Car oui, c’est aussi cela le rock « indépendant » en 2023 : pour une artiste rock de l'hémisphère Sud, même au joli succès d’estime et promue par quantité de gazettes musicales de par le monde, pas question d’emmener des musicos avec elle à l’autre bout du globe pour 3 semaines. Trop coûteux. Penser à l’avion, l’hôtel, le transport, les kebabs sans frites… Ce sera un face à face ce soir donc, entre nous et elle. Le show débute par le rythme enlevé et même légèrement funky de "Break!", intro réussie de son récent EP du même nom (2022) – qu’elle a voulu comme une sorte de rupture à tous les niveaux, musicale et personnelle.

La voix est posée, le regard assuré, semblant laisser loin derrière le gros burn-out mental qu’elle dit avoir encaissé après le succès de son premier album (Morningside, 2017) et le flot de tournées et sollicitations s’ensuivant – et d’autres éléments sans doute. Elle va mieux, clairement. Joie de revenir ici nous dit-elle, 6 ans après son dernier concert à Paris, déjà ici au Pop Up du Label, rue Abel. Depuis 6 ans ont passé, mécaniquement. Elle a maintenant 30 ans, et semble bien déterminée à ne plus se laisser marcher sur les pieds par l’industrie du disque et les relations toxiques – masculines évidemment, qui d’autre. On lui souhaite le maximum.

La suite ? Une étonnante prouesse technique d’abord, imposée par le contexte : seule en scène, Amelia doit non seulement chanter et gratter – la base – mais aussi actionner un nombre impressionnant de pédales, loops et boutons divers permettant de lancer et synchroniser les beats d’instruments physiquement absents – jusqu’à manipuler parfois rapidement un petit ordi portable installé sur un joli tabouret Ikea à sa gauche (et juste devant moi). Elle a aussi lancé une caméra sur pied pour filmer le tout, directement retransmise sur un petit poste télé installé derrière elle, là encore sur un tabouret… Ce n’est pas un live rock, c’est l’Expo universelle.

Côté technique, on apprécie d’entrée le choix d’une guitare acoustique Cort électrifiée, dans le plus pur style « Kurt Cobain MTV Unplugged 1993 ». Sans le son on pourrait s’imaginer assez bien dans un festival folk de l’Ouest canadien, d’autant qu’elle arbore ce soir une robe à carreaux rouge-noire tout à fait champêtre… Mais l’ambiance est un peu plus chargée. Une heure durant, elle alterne ainsi petites ballades dream-pop mélancoliques ("Jennifer" notamment, un de ses premiers mini-hits en 2014) et instants nettement plus électriques, plus shoegaze comme on dit, maniant habilement cordes et pédales pour produire cet écran sonore d’effets et de réverb un peu anesthésiant derrière laquelle elle adore tant se cacher… Un peu moins ce soir certes, faute de matériel. Tout le monde la voit.

Un gros son de guitare distordue vrombissant comme un moteur de Boeing déboule quand même des baffles à l'entame de "Bigger", son dernier single, en guise d'accompagnement. Merci la sono. Elle se charge du reste. Étrange événement, à mi-chemin entre le live et une retransmission radio exclusivement dépendante des machines. Un set de DJ rock en quelque sorte. Quelques titres plus soft suivent ensuite, non sans un ou deux petits solos de guitare en douce toutefois. Elle se recule alors très légèrement sur la scène, pas bien large, et laisse ses talents d’instrumentiste parler. Guitar héroïne, chanteuse, accompagnatrice, ingé-son, vidéaste… elle cumule tous les jobs ce soir, sans respect aucun pour les conventions collectives. On la couvre.

Le set touche à sa fin. Elle le conclut sur "Lucky", son plus grand hit à cette heure, que tout le public attendait gentiment jusque-là… C’est maintenant. Le petit riff lancinant agite la modeste foule d’entrée, puis le refrain achève le boulot, absolument efficace et entêtant. I know I’m a lucky girl, I’m a luck girl, girl, girl girl girl girl girl… Quelle chance en effet ! Ce n’est pas donné à tout le monde de conquérir un public limité mais de si grand qualité… C’est aussi ça le rock indé.

Pas de rappel ensuite, mais personne ne se plaint. Simplicité et transparence maximale ce soir. Qui fait encore des rappels de toute façon ? C’est pour le rock mainstream ça. Le rock à papa… Laissons ça aux Stones et à l’EHPAD.

Elle descend donc très simplement de scène et fait le chemin inverse, direction le stand de merch nous dit-elle. Elle reste un peu, si certains veulent discuter. Oui, que ferait-elle d'autre ?

C’est la vie normale d’une artiste indé néo-zélandaise en tournée.


 

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