Au Cabaret Sauvage, le 23 avril 2024
Entrer dans le monde d'Erlend Øye, c'est pénétrer dans un univers multiple et protéiforme, plein et riche de "diversité" comme on dit : surtout célèbre pour être la moitié de l'iconique duo folk norvégien Kings of Convenience (avec Eirik Glambek Bøe), le grand roux aux pantalons en lin n'a pourtant jamais su s'en tenir à ce titre de gloire et mène depuis près de 20 ans une carrière parallèle moins classique et classieuse mais tout aussi passionnante, medley de divers styles (folk, pop, electronica) rencontrés et affinés au gré de ses divers séjours en Europe (Londres, Berlin puis Syracuse en Sicile depuis plus de 10 ans maintenant).
Pour ceux que ça intéresse, une petite rétrospective en 15 titres.
Retour en 2024 : bien fixé en Sicile, et entouré de ses nouveaux compères à la guitare (Marco Castello, Luigi Orofino, Stefano Ortisi), Erlend Øye existe donc désormais comme "Erlend Øye & La Comitiva" (bien qu'il tourne toujours avec les Kings, aussi). Un projet synonyme de retour aux origines folk, à cela près que c'est désormais le folklore sud-européen qu'il explore avec grâce et légéreté. Un premier album vient de sortir pour couronner ce projet (seulement en vinyle pour l'heure, puis en ligne le 17 mai), mais quelques singles parsemés ici et là depuis quelques années nous montraient déjà l'orientation solaire du quatuor : le beau et joyeux "Matrimonio di Ruggiero" notamment, sorti l'an passé, ou encore le très plaisant instrumental "Altiplano".
Place aux guitares au Cabaret Sauvage donc hier soir... petites ou grandes. Pas de percussion dans la formation, mais deux guitares (dont une "basse") et deux banjos - dont celui d'Erlend, assurant la plupart des solos sur cette toute petite chose en bois paraissant aimablement dérisoire entre ses mains de géant viking avoisinant les deux mètres... Les cordes sont sensibles, les rythmes d'abord tranquilles puis plus enlevés et même entêtants parfois, comme sur cette version de "For The Time Being", au rythme emprunté à un morceau techno de Detroit dixit Erlend lui-même (le croisement des styles, toujours). Et puis rapidement trois nouveaux amis débarquent avec des vents (trombone, trompette et flûte)... Ambiance fanfare italienne sur "Matrimonia di Ruggiero", sans surprise, et surtout sur le magnifique "La Prima Estate" qui clôturera la soirée (cf. plus bas) : les cordes valdinguent, les vents s'emportent, Erlend agite les jambes et fait quelques pas de danse, le public ravi clappe et acclame, c'est idyllique, c'est Erlend.
D'autres instants sont plus intimes : l'introduction surtout, avec quelques titres sortis de son répertoire solo - "Fence Me In" et "Peng Pong" (Legao, son superbe second album pop-folk enregistré avec un groupe de reggae islandais) puis "Price", petite ballade folk ultra simple à la Kings of Convenience enregistré avec son autre compère Sebastian Maschat au Mexique. C'est l'occasion de se rappeler qu'Erlend Øye est physiologiquement incapable de composer une chanson médiocre. Avec lui les mélodies et harmonies vocales sont toujours là au bon endroit, simples en apparence mais parfaites. Travail ? Talent ? Ce débat-là ne nous intéresse pas. Magnanime, l'homme laisse aussi parfois la scène à ses compères - une compo personnelle pour Marco Castello, une pour Luigi Orofino. Les trois préposés aux vents (venus de Pologne) vont et viennent au gré des chansons quant à eux, sans gêne aucune. Erlend aime beaucoup la salle - il nous le dit - et n'en finit pas de remuer ses longues guiboles de volleyeur, arborant ce soir un pantalon de lin jaune clair absolument estival... C'est les vacances, c'est la mer, c'est l'Italie. Les moments de chant alternent avec les longues plages instrumentales gorgées de soleil. Tout le monde est très détendu. Et climax : l'espace d'un instant c'est toute la troupe qui suit Erlend et met à chalouper en cadence de droite à gauche, le temps d'une valse bolognaise... Gauche, droite, gauche, droite... On voudrait s'endormir sur cette image.
Pour finir, la bande s'offrira une petite excursion dans le public, grattant tranquillement les cordes et les pistons quelques minutes avant de fendre lentement la foule et de rejoindre les coulisses en musique, comme une fanfare en goguette répétant vaguement dans les rues un lendemain de soirée un peu trop arrosée... Pas indispensable d'un point de vue musical, mais pourquoi pas. Erlend Øye peut tout se permettre.
Extrait : "La Prima Estate"
Plus de vidéos de la soirée sur ma chaîne YouTube.
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