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mercredi 27 septembre 2023

Vus en live : New Order

 

Au Zénith, le 26 septembre 2023

Soirée de gala hier au Zénith de Paris - La Villette : New Order, 21 heures. Annoncés il y a quatre mois, attendus comme le Messie depuis, les vétérans de la New Wave britannique et de 50 autres styles passionnants au croisement du rock, de la pop et de la musique électronique sont enfin là, devant nos yeux. Une arrivée précoce, aux alentours de 18h30, nous offre en effet une place privilégiée au premier rang, aile gauche en scrutant Bernard Sumner et sa silhouette de légende. Nous n’en bougerons plus.

Et la suite ? Prévisible presque. Ceux qui suivent assidûment New Order connaissaient par avance, peu ou prou, la setlist (merci les fans de Copenhague) : une première partie très rock orientée, entamée pied au plancher avec "Crystal", hit fracassant de leur retour en 2001, puis l’habituelle dérive électro nous emportant doucement mais sûrement vers les hauteurs insoupçonnables de "Bizarre Love Triangle", "Temptation", "Blue Monday"… Puis rappel avec les classiques de Joy Division - matrice du groupe avant le suicide tragique de Ian Curtis en 1980 - à savoir "Atmosphere" et "Love Will Tear Us Apart". Le show est désormais rodé.

Bilan : une soirée réussie dans l’ensemble. Ce qui frappe, dans cette incarnation contemporaine de New Order (sans le bassiste Peter Hook faut-il le rappeler bien sûr, parti en colère en 2007), c’est le professionnalisme de la chose, d’autant plus étonnant et appréciable que ce ne fut pas toujours la qualité première du groupe en live – loin de là, surtout dans leurs jeunes années. Il fut un temps ou Sumner et compagnie rechignaient à rester plus de 30 minutes sur scène, et ne parlons pas d’un rappel… Certains dans le public gueulaient un peu. Parfois ça faisait le coup de poing. Scènes de bagarre et de verres brisés, de punks énervés. Les eighties à Manchester. L'Haçienda, les dealers. L'histoire est connue maintenant, racontée un milliard de fois.

Ce temps-là est révolu. Le fan moyen de New Order a désormais dans les 55 ans, et vient d'abord là pour passer un bon moment et se rappeler qu’il a été jeune et indolent lui aussi, un jour. Parfois il emmène son gosse, pour lui montrer que. C'est émouvant. Sumner, Morris et Gilbert ont des enfants eux aussi, quelques années au compteur, et ne sont plus totalement contre l'idée de mettre un peu en valeur leur discographie sur scène. Revenons à ce soir.

Les guitares s’animent dès l’entrée donc. "Crystal", puis "Ceremony" (une chanson écrite avec Joy Division, enregistrée juste après la mort de Ian Curtis), "Restless", l’iconique "Age of Consent" avec sa ligne de basse inoubiable… Dam dam dam. Et même, plus inattendu, une version étonnamment rock et analogique de "Truth Faith" (qui nous convainc moyennement, mais bon). Phil Cunningham et Tom Champman, les nouvelles recrues, aux anges, peuvent s’adonner à leurs riffs respectifs. Gillian les rejoint sur "Ceremony", comme de coutume. Bernard Sumner, surtout, nous rappelle qu’il fut d’abord un guitariste avant tout le reste (claviériste, séquenceur, programmeur, compositeur, producteur, artiste, esthète… divinité musicale). Plusieurs fois il s’avance sur le bord de la scène et y va de son petit solo, notamment sur "Age of Consent"… L’émotion est là.

Et puis l’électro s’empare peu à peu des lieux. Lumières roses, vertes, bleues. Effets multiples. Première petite senteur avec "Your Silent Face" (album Power, Corruption & Lies, premier chef d’œuvre daté de 1983), véritable fuite synth-pop au lyrisme hors d’âge, puis grosse baffe plus directe avec "Be A Rebel", récent single de 2021 et véritable machine à dancing. Ça y est, l’euphorie guette. Bernard Sumner a lâché la guitare et, lorsqu’il en a terminé avec un couplet, clappe des mains et encourage la foule à le suivre. Elle ne résiste pas. I feel the need, for harmony… Nous le ressentons tous ce soir. La danse se propage dans les rangs et sur scène. Bernard se dandine. Libre il est.

Ensuite, c’est le carré des légendes. L’immense "Subculture" d’abord (album Low-Life, 1985, le plus grand de tous à notre sens), qui dégomme encore la salle avec son immense mur de synthés – et la performance inouïe à la batterie de Stephen Morris, ne l’oublions pas… Ce soir-là il nous régale, malheureusement un peu caché derrière Phil Cunningham. Son sens du tempo et des contretemps est impossible. Plus tard, en rappel, sur l’intemporelle "Atmosphere", il nous clouera encore au sol. Cet homme est une mélodie rythmique à lui seul.

Mais n’allons pas trop vite. Après "Subculture" c’est l’heure de "Bizarre Love Triangle"… On a beau l’avoir vue et entendue quantité de fois en live sur YouTube, ça fonctionne. Everytime I see you falling… Déluge de synthés et d’émotions. Lyrisme et basse. Bernard, il faut le dire, chante en outre étonnamment bien ce soir – ou disons correctement. Sur la fin de BLT il s’offre même une petite montée vocale de 10 seconds assez saisissante… You say the words that I can’t say ! En effet. Moment traditionnel des frissons. Cette chanson, un critique un peu fat de l’époque avait considéré qu’elle était l’œuvre de « scientifiques fous » ne comprenant pas très bien l’usage des technologies qu’ils emploient. Peut-être. C’est une folie dans tous les cas.

La fin est un ouragan. "Plastic", autre dancing machine récente (album Music Complete, 2015), bastonne littéralement la salle pendant 10 minutes (ou pas loin). Puis ils inversent l’ordre habituel des choses (et de la setlist). D’abord "Temptation", leur premier grand single électro-rock (1981), indémodable lui encore… et puis cette petite chanson appelée "Blue Monday". Ever heard of it ? Boum, boum. Bernard Sumner quitte la scène au début, pour bien montrer que ce morceau-là est d’une autre catégorie, purement électronique, fonctionnelle et sensorielle. Les machines démarrent donc, Gillian lâche le synthé, puis une ou deux minutes plus tard Bernard revient comme une fleur pour les premiers mots : « How does it feel… ». Plutôt bien, merci. Première fin.

Le rappel consacré à Joy Division, quant à lui, sera malheureusement un peu écourté (manque de temps semble-t-il). Une déception il faut bien le dire, car nous aurons comme prévu l’honneur de "Atmosphere" et "Love Will Tear Us Apart", mais pas de "Transmission", peut-être le plus grand single du groupe, tout en rage rentrée et en explosion à retardement. Dance, dance, dance, to the radio !!! Ils l’ont eu à Copenhague, pourtant… Stephen Morris, discret jusque-là, a l'honneur de clôturer LWTUA d'un énorme coup de caisse et nous en resterons là donc. C'est un peu dommage mais bon, ça n'est pas la fin du monde... Il est déjà 23 heures tiens. Départ.

Petite réclamation tout de même, pour finir : était-il vraiment nécessaire de nous proposer ce soir "Shake It Up" ET "Waiting For the Sirens’ Call", soient deux titres témoins d’une époque disons... moins universellement appréciée des fans ? (albums Waiting for the Sirens' Call et Lost Sirens, 2005 et 2013) N’y avait-il pas moyen de faire autre chose ? "The Perfect Kiss" par exemple ? "Tutti Frutti" ? "Love Vigilantes" ? "Regret" ? N’importe quoi d’autre ? Ces types-là sont décidément incorrigibles… Soit.

J’ai rencontré mes idoles ce soir. Et Bernard Sumner.

 

Un extrait de "Bizarre Love Triangle". 

Il y en a quantité d'autres sur mon YouTube.


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